la nuit du chasseur ven 30 octobre 13h30


Réalisé par Charles Laughton
Avec Robert Mitchum, Shelley Winters, Lillian Gish
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Titre original : Night of the Hunter
Genre : Thriller, Drame, Epouvante-horreur
Durée : 1h33 min. année 1955



Résumé : Un prêcheur inquiétant poursuit dans l'Amérique rurale deux enfants dont le père vient d'être condamné pour vol et meurtre. Avant son incarcération, le père leur avait confié dix milles dollars, dont ils doivent révéler l'existence à personne. Pourchassés sans pitié par ce pasteur psychopathe et abandonnés à eux-mêmes, les enfants se lancent sur les routes.


Un unique film
Charles Laughton projetait de réaliser un script intitulé Les Nus et les morts. Le producteur et le directeur de la photographie devaient être les mêmes et Spencer Tracy, Montgomery Clift et Burt Lancaster devaient y jouer. Mais l'échec commercial de La Nuit du chasseur marqua irrémédiablement l'abandon de ce projet, et ce fut Raoul Walsh qui s'en empara.

Cette mission, si vous l'acceptez...
Peter Graves, qui joue ici le petit rôle du père truand des enfants, deviendra autrement plus célèbre une décennie plus tard, en incarnant Jim dans la série télévisée Mission : impossible.

Un glorieux patronage
La Nuit du chasseur dépeint une Amérique rurale hors du temps (alors que l'histoire est sensée se dérouler lors de la dépression des années 30), proche de celle de David Wark Griffith. Le film est un hommage évident à son cinéma, en partie à travers l'actrice Lilian Gish, qui fut son égérie et une des plus grandes actrices américaines du muet.

Le mythe Mitchum
Robert Mitchum a 35 ans au moment du tournage. Il consolide ici sa statuaire : solitaire, paupières lourdes, sourire ambigu, poitrine massive et timbre de voix mémorable. L'année suivante, en 1956, son arrestation et son emprisonnement pour détention de marijuana, loin de briser son aura, va au contraire asseoir un peu plus sa légende.

Un soin tout particulier pour la photographie
Le traitement du noir et blanc oscille entre expressionnisme (l'ombre de Robert Mitchum envahissant la chambre des enfants) et réalisme (les scènes de Shelley Winters avec ses enfants). La photo est l'oeuvre de Stanley Cortez qui travailla aussi avec Orson Welles sur La Splendeur des Amberson.

Seconde réalisation
La Nuit du chasseur est certes le seul film de Charles Laughton, mais pas son unique expérience de la réalisation. Six ans auparavant, alors qu'il jouait l'inspecteur Jules Maigret dans L' Homme de la tour Eiffel, l'acteur en réalisa une partie sans être crédité. Le producteur Irving Allen était le réalisateur originellement prévu pour ce film franco-américain. Mais après seulement trois jours de tournage, Charles Laughton menaça de quitter le projet si Burgess Meredith n'en prenait pas les commandes. Laughton dirigea quant à lui les scènes où Meredith jouait.

Un mauvais remake pour un grand chef-d'oeuvre
Ce film fit l'objet d'un remake en 1991 pour la télévision. Contrairement au film qui épousait le point de vue des enfants, le téléfilm se concentre sur le personnage du précheur incarné par Richard Chamberlain. Tout le monde s'accorde à dire que cette nouvelle mouture dirigée par David Greene ne parvient aucunement à égaler l'original.
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LES CRITIQUES
(infos abc le France http://www.abc-lefrance.com/ )
Jean-Pierre Le Pavec Cinéma n° 278 février 1982

CRITIQUE
Ce film est à la fois boursouflé
comme le souvenir que je garde
de Charles Laughton dans Henry
Vlll ou Spartacus, ou comme ce
crapaud, premier plan trop présent,
boursouflure un peu trop
voyante pour être vraiment vraie,
et encore tran chant comme le
couteau de Robert Mit chum .
Tout y est en trop, en abcès. Le
récit tout d'abord. Le film finit
trois, quatre fois, et d'abord à
la mort du père au bout de cinq
minutes. Et puis il recommence
sur une autre piste, dans un
autre style. L'esprit de continuité,
I'homogénéité ne règnent pas.
Film d'enfants à la Mark Twain,
puis film d’horreur que Kubrick
n’aurait pas renié, puis poésie
pure que cette descente sur
l’Ohio devenu mare d’Ophélie ou
fleuve à la Rimbaud. Il sem ble
qu'on ait voulu tout faire rentrer
dans ce film d’Orson Welles
(cadre, lumière, bien et mal) à
Hitchcock (suspense, sexe, refoulé).
Le décor n'obéit qu'à la loi du
moment. Les berges du fleuve
passent par tous les états.
Naturalistes avec ces plans de
fleuve réel et de quelques bicoques
qui marquent les berges ;
hollywoodiennes avec les mêmes
éléments reconstitués en studio
et qui permettent une photo plus
nette, plus précise ; surréalistes
enfin avec ce décor théâtral
d'une eau clapotant devant un
grand cyclorama éclairant des
ombres de bosquets et où va se
profiler un homme à cheval. Il n'y
a pas d'explica tion, de justification
à ces changements. Le film
suit son cours, à nous de supporter
cette fiction multiple.
Reste le tranchant. Et tout
d'abord la photo de Stanley
Cortez qui sait faire des ombres,
qui sait marquer la nuit et la
lumière de la nuit, qui découpe
un danger dans des yeux d'enfants.
Puis le tran chant du bien
et du mal, ombre et lumière.
Le manichéïsme primitif : main
gauche, main droite. Sans peur
du recours au symbolisme biblique
: I'homme est tout à la fois
Caïn et Abel.
Et puis, il y a cette idée géniale
du recours à Dieu. Tous ont
recours à Dieu, sauf les enfants.
Pour s'en sortir, ils ne font confiance
qu'à leur propre initiative.
Aucun appel au secours, aucune
volonté déléguée. Tous les autres
vendent leur âme, à Dieu ou au
Diable. Les enfants restent propriétaires.
Ils décident de leur
propre chef. Ce sont donc eux
qui décident de la fiction : tout
progresse de ce que disent ou
ne disent pas le petit frère et
la petite soeur, de ce qu'ils font
ou ne font pas. Les autres, et en
particulier Mit chum, sont à la
traine, à la remorque. Con vaincu
d'avoir l'éternité pour lui, le faux
Pasteur est toujours en retard.
Il prêche mais ne sait rien. Il
ne devine même pas, il impressionne
les marchands de bonbons,
mais reste un gros gars
bien labo rieux. Il patauge dans
les marais, impuissant.
Par contre, I’agilité de John et
Pearl défie les pieges, sème la
panique - sans appel à l'aide. Pas
d'invocation chez ces enfants
décideurs.
Pour en revenir à la boursouflure,
il est patent que cette Nuit
du Chasseur n'hésite pas à accumuler
les signes les plus lisi bles,
avec une arrogance qui confine
à la naïveté ou au mépris du
spectateur. Que Robert Mitchum,
malade des femmes, se sente
agressé par l'une d'elles et son
couteau troue sa poche dans une
érection stupide. Jack l'éventreur
est donc là. Que la mère soit
noyée, il faut que ses che veux
flottent au courant comme une
vision d'Ophélie. Que les enfants
soient recueil lis par une dame
charitable, ce ne peut être que
Lilian Gish. A ramasser ses légumes
dans le jardin, on s'attend à
voir apparaître l'homme en métal
du Magicien d'Oz. A protéger son
monde, carabine en main sous la
véranda, on s'attend à voir Henry
Fonda, chapeau tuyau de poêle
à la main, venant lui apporter
le salut du jeune Lincoln dans
son combat de justice. Il semble
que La Nuit du Chasseur soit
un condensé de cinéma américain.
Passé et à venir. Toutes les
influences s'y croisent, toutes
les formes s'y mêlent.
Pourtant, il trouve son originalité.
Dans cette démesure des
situations, des enchaînements.
Dans cette précision des rapports
précheur/enfants. Dans
cette tension de la poursuite, où
l’on ne sait plus très bien si le
plus diabolique n'est pas ce petit
John qui semble tout manipu ler
jusqu'à ce que cet homme, ce 2
faux prêcheur, cet usurpateur
d'autorité, ce faux père finisse
dans la même posture que son
père, menottes aux mains. Peutêtre
avait-il décidé cette vengeance
dès le début. Un film unique
à tous les sens du terme, et
dont on n'est pas près d'épuiser
toutes les magnificences.
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