vendredi 12 novembre Petits-frères


Réalisé par Jacques Doillon

1998

Comédie dramatique
Durée : 01h32min


.


Résumé :

Après une embrouille avec son beau-père, Talia, treize ans, s'enfuit de la maison. Elle décide d'emmener sa chienne, Kim, avec elle. Elle part pour Pantin où habite un de ses amis. Le copain est parti en foyer. Elle rencontre quatre garçons de son age, drôles et malins, qui s'interessent à elle. En realite c'est Kim qui les attire. Les petits fomentent un plan : gagner la confiance de la fille et lui voler sa chienne. Ils la revendront et la feront tourner dans des combats. Tania, furieuse, est prête à tout pour retrouver l'animal.


Commentaires sur la séance et le débat :

Michèle :

Belle prise de risque qui laisse des traces profondes bien après avoir vu le film.
Violence et tendresse, enfance et état d'adulte imposé, amour et haine, pudeur et dévoilements fugaces, objet et animal transitionnels .... De l'un à l'autre constamment, ambivalence permanente entre besoin d'amour, fuite et provocation.
Quels adultes deviendront ces ados déboussolés ? Tyson, mère de sa mère en allant dénoncer l'inacceptable ?
Merci à Doillon pour son regard porté sur ces pré-ados qu'il aime et respecte.
Merci à Gandhi pour ses commentaires et son information au sujet des nouvelles caméras
Merci aussi au Che d'avoir pris la parole
A chaque fois,vraiment, nous sortons toujours plus riches de ces séances


Alain :

André Lebot a noté comme nous tous l'intérêt des jeunes usagers du restaurant social pour ce film. Et malgré le charivari que nous connaissons, les allers et venues, les discussion impromptues, les musiques du jeu vidéo de la console d'informatique, les bruits de vaisselles du restaurant, il y a eu des instants d'intense concentration et émotion.

J'ai noté ce week-end une remarque profonde de François Tosquelles, fondateur de la psychiatrie de secteur, et de la clinique de Laborde, ancien militant anarchiste du Poum espagnol, - sur ces allées et venues de ceux qui ne veulent ni ne peuvent rester en place : il nous dit qu'ils renvoient à notre droit fondamental au vagabondage de l'être.

Ceci renvoie à l’instabilité permanente des personnages de "Petits frères" qui se mettait pendant la séance en écho avec l'ambiance du restaurant. Mais aussi à la position d'extériorité du personnage principal. Venant d'un autre quartier. Comme Tosquelles venant d'Espagne n'a jamais abandonné son fort accent catalan. C'est par cette position d'extériorité que nous devenons tous frères de façon profonde et illimitée. Joli métaphore et invitation du titre lui même à devenir tous Roms comme dans une autres époque la présence de Dany le rouge a amené à l'invention du fameux slogan : "nous sommes tous des juifs allemands".

On notera que ce personnage féminin de Doillon est bien sur juive mais ne la ramène pas. Elle parle à partir d'une autre autorité. Celle de la révolte contre l'inacceptable ou contre les rapport de forces par exemple. Qui l'amène sans hésitation à rendre coup pour coup, et user elle aussi de la force jusqu'à la nausée.L'un des drames des cités c'est la restriction de l'espace d’existence limitée au quartier. La territorialisation de l'être.


" Jouer à faire semblant" : espace potentiel et chamanisme

La séquence de l'enterrement du chien, depuis le moment où on le découvre et où son cadavre est transporté, ainsi que la séquence finale du mariage simulé sont "chamaniques".

On a deux séquences très proches dans "Ali Zaoua, prince de la rue" de Nabil Ayouch sorti en 2001, sur le phénomène des enfants des rues livrés à eux-mêmes à Casablanca. L'une où le cadavre de Ali Zaoua est enseveli dans la mer. Ce qui relève les enfants de leur condition inhumaine. Une autre où les enfants sur les traces d'une ancienne maison dessinent sur le sol la maison idéale dans laquelle ils aimeraient vivre avec tous les détails des aménagements - bref ils font comme font tous les enfants.

On voit que ce que Cyrulnik appelle résilience s'articule avec ce que Winnicott appelle l'espace potentiel, l'espace de jeu, l'espace des objets transitionnels : "on joue à faire semblant" et ce semblant chargé de conditions insupportables allège, se transforme. un contexte aménagé qui devient positif et donne goût à la vie.

Ce semblant on le rencontre aussi dans "Les maîtres fous" de Jean Rouch. Ou trois hommes venus des campagnes africaines, exhilés à la ville pour survivre, improvisent un jeu; c'est comme un rituel où ils se mettent scène sous des personnages de blancs qui ont des responsabilités, ils le chorégraphie jusqu'à la transe, et le parlent la bave blanche aux lèvres. Jusqu’au sacrifice réel d'un chien. Victime expiatoire par laquelle ils exorcisent leur situation de colonisés.

A.A

Aucun commentaire: