vendredi 29 avril: "KES"-de-Ken-Loach


 
Réalisé par Ken Loach
Avec David Bradley, Colin Welland, Freddie Fletcher

Long-métrage britannique .
Durée : 01h50min  Année  : 1969

Résumé :
Billy, gamin mal aimé et mauvais élève habite une ville minière du Yorkshire. Un jour, il recueille un jeune faucon qu’il apprivoise et dresse, donnant ainsi un sens nouveau à sa vie.

Critique : Sans attendrissement intempestif, Ken loach porte un regard lucide et honnête sur l’enfance condamnée par un système solaire et social inadapté. Il réalise un beau film aux images simples qui, grâce à sa clairvoyance et à son réalisme, conserve encore toute sa force dénonciatrice et son âcre poésie ; » Claude Bouniq Mercier  « Guide des films » coordonné par JeanTulard


Un gamin apprend la fauconnerie comme d'autres le foot ou le rock : pour exister. Reprise du mythique deuxième film de Ken Loach, chef-d'œuvre qui a marqué toute une génération.

A vouloir raconter Kes (1969) ­ deuxième film de Ken Loach ­ comme l'histoire d'un cancre, pauvre et solitaire, qui a pour seul ami un faucon tué à la fin par un frangin abruti, on cède à la tentation, pas du tout légitime, de voir une histoire, un ami et un abruti là où il n'y en a pas. Et une fois qu'on en est là, plus rien ne nous retient d'en parler comme d'un film sur l'enfance, quelque part entre Allemagne, année zéro et Où est la maison de mon ami ? ­ donc, comme d'un chef-d'œuvre. Et on se trompe encore. Kes plaît parce qu'il n'est rien de tout cela, parce que c'est un film modeste qui, d'ailleurs, faiblit dès qu'il commence à vouloir dire quelque chose (critique du système éducatif) ou qu'il fait mine de le dire avec du style (comique, le temps d'un match de foot). Dans un décor qui évoque Verlaine ("Dans l'herbe noire/Les Kobolds vont/Le vent profond/Pleure, on veut croire... Plutôt des bouges/Que des maisons/Quels horizons/De forges rouges !"), le film s'enfonce dans des zones de plus en plus dépressionnaires, se charge d'électricité, sans jamais se résoudre en orage. Tendu, donc, comme le jeune héros Billy, traîne-savates qui ne se rend même pas compte, lorsqu'il traverse la cour de l'école en regardant par terre avec ses vêtements gris élimés et ses cheveux courts, qu'il a l'élégance du punk, avec dix années d'avance. Plus tard, les groupes de rock le sauront pour lui et formuleront ce que ce gamin vraiment pas bavard n'a même pas su penser (qu'il n'avait pas d'avenir et tout ça), occupé qu'il était à se construire un imaginaire, un vocabulaire et une histoire à l'aide d'un rapace. Si, sous sa couche de crasse et d'illettrisme, Billy est tendu et élégant, Loach l'est aussi lorsqu'il traite avec beaucoup de froideur et d'intelligence ce qui l'est généralement sur le mode d'un anthropomorphisme pathétique et infantile. Car ce qui fascine l'enfant, c'est que, en plus d'être un animal altier et solitaire, le rapace est un oiseau silencieux, y compris lorsqu'il vole, se déplaçant "dans une bulle de silence". Dès lors, l'oiseau n'est pour lui ni un objet sur lequel il pourra porter son affection, ni un passe-temps, ni quelque chose dont il pourra faire son métier ­ lorsque l'éducateur social lui demande s'il a un hobby, Billy ne trouve rien à répondre ­, et encore moins un ami ­ c'est impossible. Le faucon représente quelque chose de beaucoup plus important, bien que pas du tout sentimental : un étendard, l'incarnation de ses utopies, quelque chose qui communique directement avec son inconscient. Ce qu'il aime n'est pas un individu faucon en particulier, mais les rapaces en général, pour leurs attributs de puissance ­ c'est pourquoi il n'a cherché d'autre nom à son animal que celui de sa race : Kes de kestrel (crécerelle). Ce qui l'intéresse est de parvenir à maîtriser cette puissance, par l'apprentissage d'une technique ­ la fauconnerie. Et par la constitution de ce savoir un rien obsolète, Billy est enfin valorisé au sein du groupe : le temps d'un exposé, il existe aux yeux des autres, parce qu'il est devenu une histoire. Construisant par l'intermédiaire d'une technique un objet idéal, Billy fait œuvre d'artiste. Lorsque l'on tue son faucon, il est malade de rage, non pas comme si on avait tué son ami, mais comme si on avait brûlé son premier manuscrit.

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