Après Looking for Eric qu'est-ce qui fait misère et comment y résister ?
Raining Stones
Réalisé par Ken Loach en 1993 90 mn
Prix du jury festival de Cannes
Résumé
Bob, le personnage principal, vit avec sa femme Anne et sa fille Coleen dans une banlieue misérable de Manchester. Lui et son ami Tommy se débrouillent du mieux qu'ils peuvent pour vivre dans la Grande-Bretagne des années Thatcher. Le film dépeint la précarité de la société anglaise à l'époque, en montrant tous les emplois que Bob est forcé d'exercer, allant de la revente de viande au marché noir jusqu'à être vigile dans une discothèque. En dépit de sa situation pour le moins précaire, Bob tient par-dessus tout à acheter une robe de communion neuve pour sa fille, afin de ne pas perdre la face devant le voisinage. Dans ce combat pour la dignité de sa famille, il va prendre de terribles risques, se heurter à la cupidité et à la violence mais aussi redécouvrir la fraternité et la solidarité.
NOS COMMENTAIRES
Elise
Un film qui m'a prise aux tripes : il est difficile et l'on
rit jaune parfois... Peut-être parce qu'ils sont attendrissants ces
personnages...
Génial le débat qui a suivi (et précédé d'ailleurs aussi)...
Quoi rajouter de plus ?
Juste que j'ai apprécié ces échanges entre les usagers du
resto et les invités...
Martine
A travers 3 films, on a vraiment creusé le sillon "Ken
Loach" avec son humanité, sa révolte, son parti pris pour les exploités,
les damnés de la perfide Albion, sous le règne de Thatcher.
Son credo de liberté, de fraternité, de communauté
salvatrice ne change pas sur le fond.
Sur la forme, dans "raining stones", la violence
l'emporte sur l'humour tout au long du film, jusqu'au retournement final, avec
ce hasard providentiel, qui lavera Bob de toute culpabilité ( rôle du prêtre :
homme et prêtre). La scène finale de la communion à léglise, illustre bien ce
présumé "nouveau départ" pour lui et sa famille à nouveau réunie dans
l'amour et au sein de la communauté.
Comme Elise, j'apprécie les échanges entre usagers du resto
et invités de passage. Salut Alain, bonnes vacances, après cette année
studieuse
Alain
A propos de la référence de Philippe à Victor Hugo :
L'avantage du romantisme c'est d'avoir élevé le "je" à l'état de
puissance dans un autre sens que l'entité individuelle produite par le
capitalisme. Dés qu'on part du phénomène collectif, de la société, du système
on retombe sur soi. Et inversement. L'important c'est de voir comment on s'y
engage ... ou on s'en dégage.
Oui intéressant ce personnage de prêtre (entre autres) dans
le film . Sa façon comme ça, british, à ne pas être plombé par les
circonstances, prendre du recul, le pôle "légèreté" dans le récit, et
dans un contexte qui ne l'est pas. Bien aimé le côté thriller à la fin que
j'avais zappé. Je trouve intéressant ce détour de Loach par la dramatisation,
le suspens le drame pour peindre les rapports de personnages à leur contexte
justement. Si l'argument au final est simple le scénario est bien ficelé. On
passera peut-être "Kes" à la rentrée à Bottière le premier
long-métrage de Ken Loach de 1969 qui l'a fait décoller.
Martine
Merci de cet éclairage. J'avoue avoir décroché au cours de
cet échange avec Philippe. A méditer, pour moi ce -"je" économicus. Partante
- personnellement- pour cette proposition, maintenant que j'ai bien en tête
l'évolution des films de Ken Loach de "raining stones " à Jimmy's
Hall" en passant par le "vent se lève".
Christian
Le suspens final et le dénouement du scènario se retrouvent
dans des films de Hitchcock. Par un assassinat, le "héros" se sort au
mieux d'une situation inextricable. Mais là où Hitchcock achève ses films en
nous laissant nous interroger sur les limites du bien et du mal, Ken Loach de
son côté accorde généreusement au criminel le pardon suprême de l'absolution.
Faut-il voir ici une glorification ou une dénonciation du pouvoir de l’Église ?
Martine
Mon avis, c'est la Vie qui gagne. Bob et le prêtre sont aux
prises avec leur vie de M... l'un avec le chômage, et le prêtre avec sa
pauvreté, situation qu'il partage avec la population, sans abus de pouvoir,
bien au contraire. Là encore, c'est l'humanisme de Loach qui gagne, même si la
morale en prend un coup. (un crime devrait être puni par la loi des hommes, en
principe). ...
Un crime devrait être puni par la loi des hommes, en
principe). ...
Je voulais dire : devrait être jugé. Dans le film il ne
l'est pas.
Alain
Autre aspect : nous avions évoqué là propos de "Looking
... " le mensonge de Eric Bishop vis à vis de sa femme, un premier
mensonge qu'elle lui reproche puis un second (l'arme cachée) qu'elle finit par
comprendre quand Eric s'explique. Dans "Raining stones" il en va de
même à 16 ans d'écart et avec un scénariste différents : les femmes reprochent au
personnage masculin son manque de franchise. Dans "Raining Stones"
c'est le père Barry qui démontre Bob qu'il ne doit pas parler de l'accident ni
à la police ni à sa femme, s'il ne veut pas détruire son foyer. Une question de
bon sens, c'est seulement ensuite qu'on passe à confesse redoublée au final par
l'hostie lors de la communion.
On pourrait dire au fond que ce mensonge est
"spirituel".De même Joseph Wresinski fait-il de
"l'entêtement" une qualité "spirituelle, l'opiniâtreté, pour le
dire en regard de Silly la petite vendeuse de Soleil, ou Wadjda, la
détermination. Il s'agit de ne pas être naïf. L'autorité des deux enfants ne
s'y trompe pas.
Je trouve que le film a une proximité avec Hitchcock (les
faux-coupables) notamment dans le malaise dans lequel Loach nous met au départ
du film et un critique a vu dans la robe de communiante un
"Macguffin" (procédé conceptualisé par Hitchcock, du genre un objet,
qui a pour rôle le développement de l'histoire).
Ceci dit la robe a la valeur que nous avons souligné,
l'affiche du flm le démontre ainsi que les déclarations de Loach : " Quand
vous êtes pauvres et que vous n'avez rien il est essentiel de conserver votre
dignité.../... la robe qu'ils veulent acheter pour la communion de leur fille
devient le symbole de cette dignité qu'ils doivent sauvegarder à tout
prix".
La dignité une autre forme de la plus-value, humaine. Le
problème ce n'est pas la question de quelle richesse et selon le point de vue
de qui? L’accumulation du capital ne pourrait pas se faire sans mise en
rivalité sans le regard d'un Autre. En revanche ici l'Autre a le sens de la
communauté que Bob forme avec les autres, le sens d'un ensemble à parité de ses
membres, enfant compris. Et non de la classe qu'il composerait à l'exclusion
d'une autre. C'est la conception marxienne du communisme comme on le voit dans
« Jimmy's hall » ; Jimmy's sait que sa vue des choses n'exclue pas l'autre,
c'est bien l'idéologie de l'autre (le curé) qui exclue.
Et dans "Raining stones" Loach montre cette fois
que le processus d'exclusion a gagné du terrain dans les classes populaires,
qu’elles en ont épousé la logique. Bien vu. Ce qui rejoint la déclaration de
Philippe, sur la responsabilité de chacun dans ce processus.
Elise
Moi aussi, ok pour "Kes"... Alain...
Tout à fait d'accord Martine, c'est la vie qui gagne : un
prêtre humaniste ça n'a rien d'évident, malheureusement... Mais, dans le film,
c'est le cas : il est un soutien, une béquille pour ses paroissiens... Et tant
pis pour le crime non-jugé !
Quand tu parles de dignité Alain, je repense à la
marionnette du resto social qui était couchée sur l'asphalte et qui s'est
remise debout... Ou à Silli, la petite vendeuse de Soleil qui se retrouve à
terre et se relève malgré sa jambe raide, sous le regard de ses compagnons de
galère : le vendeur de Sud mais aussi le DJ en fauteuil...
La critique dithyrambique de Télérama
(mieux voir le film avant de la lire !)
Suivi d'un débat
.
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