Betty nous dit - suite à la projection de "Little senegal" et suite à nos questions :
"Une bonne séance avec de l'écoute, je trouve les questions intéressantes. Je pense que l'on peut se "soigner" physiquement et psychologiquement en se réconciliant avec ses origines, en acceptant l'enfant que l'on a été et en prenant conscience que l'on peut stopper des répétitions dans une famille( psychogénéalogie). Par contre je suis plus nuancée sur le rôle du griot par rapport à la jeune fille qui veut abandonner son enfant. Même si, sur le fond il dit des choses justes, je pense que c'est une décision qui la regarde elle et non sa famille.Voilà de quoi relancer le débat, merci à Alain pour la qualité des interventions" Betty le 4 juin 2008.
La réponse de Alain :
Sur le rôle du griot Alloune par rapport à la jeune Eileen : Alloune est plutôt du côté du respect de la femme en empêchant Hassan son neveu de battre Biram sa compagne opprimée qui cherche à s'émanciper. Mais à la maternité Alloune a à la fois un rôle positif et un rôle que l'on peut voir comme contestable et à juste titre - ans le sens où Betty le fait remarquer.
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D'une part il aimerait mettre sa marque masculine sur cette nouvelle naissance, dépossédant un peu Eileen du rôle qui lui apparteindrait. Mais à l'inverse il amène Eileen fille-mère à réintégrer l'enfant qu'elle rejette dans sa vie à elle. Il la sauve d'une certaine façon - il fait lien entre les générations répondant ainsi a sa fonction de griot et au songe visionnaire qu'il a eu de retrouver les descendants américains de ces ancêtres.
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C'est même de tout le film le seul endroit où il répare quelque chose. En effet le rapprochement avec sa descendante noire Ida Robinson qui tient le kiosque à journaux, échoue; en effet il ne peut éviter la mort de Hassan. Il la cause indirectement en ramenant Eileen dans la maison de celui-ci puisque c'est l'ancien petit ami de Eileen qui le cambriole. Mais à la maternité, le film fait preuve de subtilité. On y voit s'opposer une conception moderne de la liberté individuelle à travers la réaction des sages femmes, avec une conception africaine traditionelle, qui ne laisse personne sur le carreau comme c'est le cas dans la société dite évoluée de l'Amérique. Rachid Bouchareb dit que dans son enquêtre préalable au trounage de son film il avait été impressionné par le nombre de fille-mère noire à New-York et de l'existence d'institutions caritatives qui leur était dévouées.
Dans le film la maternité est l'endroit de la réparation et de la révélation : c'est la vérité sur l'origine qui répare. En effet c'est ce moment que choisit Alloune pour montrer à Ida son arbre généalogique, resituant à la fois Ida et sa petite fille dans cet arbre les réalignant symboliquement. Le film laisse entendre qu'entre l'esclavage d'hier et l'oppression des noirs américains d'aujoud'hui il y aurait un rapport. Nous ne pouvons ni condamner Alloune ni simplement le louer. Nous en voyons les effets bénéfiques et la limite.
Détour : Pour la petite histoire et là nous débordons le cadre du film : Sotigui Kouyaté l'acteur du film qui est un vrai griot, s'est marié et a vécu avec de multiples femmes. Il en eu de multiples enfants. Mais malgré cette fertilité évidente et sans doute un apport paternel réel vu la densité de la personne, je sais que ces femmes ont en souffert. Et on peut se demander au bout du compte comment aussi bien, les enfants ont vécu la situation qui entraîne forcément une absence paternelle de fait.
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Ici il est clair qu'on est pris ici dans une économie et une hégémonie masculine des rapports homme-femme. Nous en avons certes une vision occidentale. Mais dans l'histoire de la polygamie, nous avons raison de soutenir notre logique dés lors que l'on voit que la polygamie est une histoire strictement masculine. Il n'y a sur terre qu'un endroit sur une île où les femmes choississent leur maris et en changent, ou vivent avec plusieurs hommes. Sinon la relation n'est jamais équilibrée. Cela existait aussi chez les indiens d'Amérique du Nord : on peut le lire dans le livre "Creek Mary", La femme indienne chez les sioux était libre de choisir ses amants et le géniteur de son enfant -qui ensuite était élévé, éduqué par l'un de ses frères. Le destin des rapports hommes-femmes n'est pas terminé. Nous ne savons pas encore comment nous pouvons vivre les uns et les autres dans ce rapport dans le contexte de société qui est le notre (famille recomposée, polyamour, etc.. )
Mais le film a été écrit par deux autres hommes : Rachid Bouchareb et le scénariste du film. Et il est à parier qu'avec la séquence de la maternité ils ont apporté une critique à ce fonctionnement qui voit dans une société, l'organisation de ce rapport hommes-femmes, contrôlé uniquement par les hommes.
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1 commentaire:
Beaucoup de Remarques et de pistes de discussion dans les propos d'Alain..
En effet les Etats Unis ont le taux le plus élevé de jeunes filles mères noires d'où mes questionnements, pourquoi aussi peu de contraception? manque d'infos?, ou raisons culturelles?
Elles vivent des aides sociales et ont peu de chance de s'en sortir dans la société américaine. Mais le problème qu'il me semble majeur est l'absence de père pour tous ces enfants et derrière comment se construire sans racines?
Le modèle occidental change (la moitié des familles sont recomposées),quelles conséquences sur les enfants et la famille?L'hégémonie,qu'elle soit masculine ou féminine n'est pas équilibrée. Tant que des hommes ou des femmes voudront prendre du pouvoir sur d'autres il manquera de l'équilibre.
Polygamie??, libertinage?? etc.
En Afrique ou ailleurs c'est peut-être tout simplement le mal aimer qui peut nous questionner...
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