Borat


Comédie réalisée par Larry Charles en  2005

Durée : 01h30

Meilleur acteur dans une comédie ou une comédie musicale : Golden Globes 2007
Résumé
Borat, reporter kazakh, est envoyé aux Etats-Unis par la télévision de son pays pour y tourner un reportage sur le mode de vie de cette nation vénérée comme un modèle. Au cours de son périple, il rencontre de vraies personnes dans des situations authentiques, avec les conséquences les plus incroyables. Son comportement à contre-courant provoque les réactions les plus diverses, et révèle les préjugés et les dessous de la société américaine. Aucun sujet n'échappera à sa soif d'apprendre, même les plus extrêmes. Un vrai choc des cultures..



Critique :
La rigoureuse enquête menée sur place le confirme : la provocation est énorme, la farce aussi, et le dindon de celle-ci est autant l'Amérique que le Kazakhstan, puisque Borat, ce sont les Lettres Persanes revues et corrigées par MTV.  (Jean-Philippe Tessé, Cahiers du Cinéma ).

Débat  Jusqu'où peut-on aller dans la provoc ?

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 Avant le film 

Patrick
Borat, Dans le genre déjanté, on ne peut faire mieux.

Claude :
A la question : jusqu'où peut-on aller dans la provoc ?
réponse juqu'au bout... voire même plus !!!

Alain :
Un problème est vrai quand il atteint la dimension d'un paradoxe :

L'avantage de la provocation c'est qu'elle est contestation sans confrontation, c'est ce qui fait son avantage. A contrario sur l'autre versant, dés lors que la provocation fuit la confrontation, n'est-elle pas dans son isolement conduite à s'enfermer dans une logique autiste ?
C'est le paradoxe du dandy - ou son énigme - quii réside bien dans ce qui peut ou pas se partager dans sa provocation (et se discuter ou être repris sous une forme ou une autre. Mais peut-on creuser dans la provocation, ou bien n'en reste ton qu'à une vue superficielle, une attitude - autrement dit dans le spectacle de la contestation ? Moins radical que l'humour Hara kiri, l'humour pompier! Le mauvais goût est-il en soi une provocation ?

Claude :
Je dirais "oui" , ça dépend s'il est conscient de sa laideur et si autistiquement, il sait la partager avec les autres, ce qui , on en conviendra, est carrément paradoxal, nobobstant !! plus radical certes, mais plus à gauche aussi

Alain
Intéressant, il faut venir nous en faire la provocation


Anne-Marie
La provocation est-elle une faute de goût ou l'un des beaux-arts comme l'assassinat?

Alain
Tuer le stéréotype en l'érigeant en modèle ? - la défense de Khadafi par Dieudonné; la provoc est-elle dissimulatrice ou révélatrice ? Ben on dirait qu'on va se poiler roux !!!

Claude
Diieudonné est pour moi loin d'être un modèle de provocation..; qd le message est trouble, celle-ci perd de son sel et ça devient de la soupe.. comme de pisser sur Jésus..; pour moi que du pipi de chat de pseudo-artiste bien névrosé si ce n'est pire !!

Commentaires  après le film 

Anne-Marie
Ce que j’ai trouvé de plus réussi dans le film c’est l’aspect en creux de la provocation : mon agacement devant les répétitions, un certain ennui et un sentiment de laideur…(oui oui je sais je vais mettre des guillemets)…mais cela ne m’a pas empêchée de rire et d’apprécier des moments forts comme la rencontre avec les Pentecôtistes……
et puis les échanges qui ont suivis. Et à la proposition « on ne va jamais trop loin dans la provoc », je ne sais toujours pas répondre !!!!

Alain
La rencontre avec les jeunes du camping-car fait froid dans le dos. D'autant qu'elle n'est pas simulée. La séquence du rodéo de même- pour moi d'anthologie, mais je pense qu'elle est préparée calculée (le lynchage n'est pas loin).

Faire ressortir la Bêtise crasse c'est pas mal; au quotidien nous avons trop tendance à la prendre au sérieux, à ne pas pouvoir la mettre à distance, là c'est la mis à distance au bazooka. Le nationalisme dans l'ambiance des matchs de foot en France et ailleurs c'est pas mal non plus.

Pas d’ambiguïté selon moi dans le film, même si effectivement il y a de l'irrespect, de l'irrévérence.

J'ai bien aimé ce débat où chacun a su apporter un angle nouveau. Bien aimé la référence à Laurel et Hardy, pour la séquence de la bataille entre le producteur et son ami journaliste Borat en particulier. Je ne sais pas pourquoi je trouve que l'ours contribue aussi à cet univers.
Sur le thème du provocateur : "Lenny" de Bob Fosse avec Dustin Hoffman, 1974.

Yvelyne
Borat, un film irritant, voir agressif,à mon sens, mais qui a débouché sur un débat très constructif et intéressant. encore merci à l'organisateur.

Adèle
Merci Alain de m'avoir donné l'occasion de voir ce film dérangeant et provocateur mais oh combien juste par certains aspects. J'ai assisté à une partie du débat, souvent très intéressant.

Anne-Marie
Provoquer pour choquer n’est pas difficile, provoquer pour dénoncer demande du talent. Perso, je trouve plus efficace la provocation qui côtoie la réalité que le grand guignol….encore que…les outrances de Buñuel m’ont tellement réjouie
Et, Alain, la provocation aurait- elle pu aller jusqu’à l’ambigüité du message ?
Je n’ai pas vu le film de Bob Fosse mais « cauchemar blanc » est un court métrage de M. Kassovitz de 1991 inspiré d’une BD de Moebius. télescopage...à suivre

Alain
Borat construit Sa réalité à partir de celle des autres, de la culture américaine ou des événements sur son passage comme Buster Keaton peut le faire. (Cette façon de traverser le monde dans sa bulle est un trait universel, preuve en est que exposé par les burlesques il nous fait tous rire). Là où le film pour moi fait mouche c'est quand on filme en pur documentaire quasi sans distance l'intérieur de la famille juive. Je me suis demandé si c'était l’univers familial de Sacha baron Cohen sachant qui est cependant resté fidèle à la culture juive. C'est tout à la fois corrosif et tendre.

Sur la question : la provocation aurait- elle pu aller jusqu’à l’ambiguïté du message ?
Réflexion en cours : la provocation une énonciation dont les énoncés sont les stéréotypes, les codes, les valeurs, les icônes de la culture ambiante.
Deux conditions pour avoir affaire à de la grande provocation : des énoncés - un contenu du message - ambigus mais une énonciation claire. C'est comme à proportion. Iil s'agit d'exprimer l’ambiguïté de notre réalité humaine, dans notre contexte de société. Plus l’ambiguïté du message est grande, plus l'énonciation (de l'acte ou de la parole de provocation) est claire. On a besoin de plonger dans l’ambiguïté pour qu’une clarté en ressorte, qui est justement celle de l’énonciation.
Le trouble est en ceci que nous ne savons pas si c’est du lard ou cochon quelquefois. Enoncé ou énonciation : c'est le jeu. C'est-à-dire si nous collons aux énoncés. Le rire est cette façon de s’en décoller, c’est dire de ne pas croire à la réalité auquel il renvoie, car les énoncés existent aussi par la séduction nécessaire à leur colportage. La confession publique de Borat chez les baptistes en montre l’envers : cette séduction est de fait une imposition. Celle-ci n’est possible que par un rapport de domination. la croyance est l'intériorisation de cette domination. Aucun discours n'échappe à ça. Heureusement sans quoi nous ne pourrions pas habiter collectivement dans une réalité acceptée par tous. Mais dont le consensus est éminemment contesté par nos chers provocateurs - à raison.

Anonyme : 
    Il semble que dans le film, le rire se cale sur la farce et se coince sur la violence des comportements, on ne rit pas par exemple quand il est manifeste que la famille wasp ne saurait tolérer à sa table une prostituée afro-américaine, ni dans la caravane du camping , ni lors de la scène du début –le lâcher de Juifs--……….
    Si la provocation est dans la mise en cause ou le détournement par l’énonciation d’un énoncé (considéré comme faux, caricatural, absurde, malveillant, choquant ou simplement conformiste) la caractéristique de cet énoncé est-elle claire et équivalente pour tout le monde ?
    Quand quelqu’un demande aujourd’hui 7 mai en pleine commémoration de l’esclavage s’il y a des esclaves au marché de la petite Hollande comment faut-il l’entendre ?

Alain
Bien vu je trouve la différence entre la farce et la violence des comportements.

Si la provocation ne donne pas dans l'attendu elle prend à revers le consensus du code social déjà existant. Il y un langage commun pour qu'elle soit possible. La provocation déplace le code(dans ce qu'il a de convenu, le stéréotype, le consensus) le fait ripper. Il y a deux faces il me semble dans le code social. Une face utile et une face noire opaque qui justement peut laisser la place a de l’ambiguïté. Une face où la pseudo naturalité" normalité n'est pas interrogée en tant que telle par commodité, ou bien lâcheté. On se réfugie on efface nos aspérités derrière ces convenances.

    Pour le marché de la petite Hollande et ses esclaves je ne connais pas le contexte. J'entends ceci dans mon ignorance : que c'est bien beau les commémorations, mais que pendant qu'on se donne bonne conscience il y a encore de l'exploitation, de la domination, des rapports de classes, même si les classes sont plus difficiles à circonscrire qu'avant. Que les noirs ou même les arabes d'hier sont les rom, les sans papiers d'aujourd'hui.
    Si cela veut dire que les maghrébins français sont dans une situation inégalitaires, l'énoncé pour moi ne porterait pas parce que ce n'est pas de l'esclavage. Il doit y avoir forcément quelque chose dans la provocation, une vérité qui en ressort au bon endroit, sur le bon plan. C'est ça la précision de l'énonciation.
    L'intérêt que je lui accorde : celle de me déstabiliser dans mes habitudes et non pas de me manipuler au nom de valeurs elles-mêmes convenues par ailleurs.
    Quand Jean-Marie Le Pen fait ses provocations on voit comme on disait avant d'où il parle c'est d'avance convenu. Alors qu'un bon provocateur frappe un minimum dans l'inattendu.


Annemarie
Si l’énoncé est tabou et que en tant que tel il suscite séduction / répulsion, l’énonciation aura pour but le dévoilement, la provocation sera d’autant plus efficace qu’elle sera effectivement inattendue, saugrenue, la séduction est là aussi, dans le talent du provocateur qui va rencontrer le goût des interlocuteurs… pour les mots d’esprit ou les images choc …etc…
A qui s’adresse le provocateur ?
Un certain nombre de provocateurs semblent prendre les gens pour des crétins sous prétexte qu’ils n’auraient pas de distance par rapport à leur H/histoire, leur identité, leurs infirmités et maux divers. Il fait rire ceux qui se prennent pour les plus malins et gare à toi si tu ne ris pas !!
La frontière, la crête est difficile à percevoir, une anecdote : je passai Pessah la Pâque juive dans une famille amie, de bonnes choses cuisaient je dis à P. « ne t’approche pas du four » ou quelque chose comme çà… silence glacial…évidemment j’ai repensé à Le Pen et son dura four crématoire. Quel rapport avec Borat ? le commentaire d’Alain sur la partie plus documentaire du film où le personnage se trouve dans la/sa famille…pouce on ne joue plus.
8 mai 2011 09:02
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Je suis tombé sur ceci qui donne quelques précisions sur 
http://bistrophilo.aceboard.fr/98101-2283-7308-0-Borat-film-provocateur.htm :

Les Israéliens rient de bon coeur à "Borat" Par Aron Heller
JERUSALEM (AP) - Comme des millions de spectateurs dans le monde, les Israéliens se sont pressés dans les salles obscures pour voir "Borat". La comédie satirique du Britannique Sacha Baron Cohen amuse d'autant plus le public israélien que seules les personnes parlant hébreu peuvent comprendre totalement ce que raconte le héros, un faux journaliste kazakh, misogyne et antisémite.

Car peu de spectateurs ont saisi que le personnage principal, Borat Sagdiyev, ne parle ni kazakh ni une sorte de charabia incompréhensible, mais bien hébreu, le langage biblique du peuple juif. Les Israéliens, ou les personnes connaissant l'hébreu, sont donc les seuls à pouvoir saisir toute l'ironie des répliques faussement antisémites et les références culturelles qui jalonnent le film.

"C'est extrêmement drôle et plutôt sympa de se rendre compte que vous comprenez quelque chose que personne d'autre ne comprend", explique Gaby Goldman, 33 ans, de Tel-Aviv. "Ce n'est pas juste le fait qu'il s'exprime en hébreu, mais également la manière dont il parle. On dirait presque un Israélien, il parle comme nous".

De fait, les Israéliens rient dès la scène d'ouverture du film, lorsque Borat quitte sa ville du Kazakhstan pour les "U.S. et A.", expliquant, en faux kazakh, à un homme à qui il manque un bras: "ne t'inquiète pas, je te ramènerai une nouvelle main d'Amérique".

Les sous-titres donnent la traduction directe, mais ils ne sont pas nécessaires en Israël. Ils répètent simplement ce que Borat vient juste de dire dans un hébreu impeccable.

Le film est truffé d'expressions courantes en hébreu et de clins d'oeil à la culture israélienne, que seuls les habitants de l'Etat hébreu peuvent comprendre. Par exemple, dans une scène, Borat chante les paroles d'une chanson populaire hébraïque célèbre, "Koom Bachur Atzel", qui signifie "lève-toi fainéant".

Uri Klein, critique cinéma pour le quotidien israélien "Haaretz", observe que les dialogues en hébreu créent logiquement une proximité avec les spectateurs israéliens. "Nous sommes les seuls à savoir de quoi il parle", résume-t-il.

Toutes ces références s'expliquent par les liens entre Sacha Baron Cohen et Israël. L'acteur britannique, âgé de 35 ans, est juif pratiquant, sa mère est née en Israël et sa grand-mère vit toujours à Haïfa, dans le nord du pays.

Au lycée, il faisait partie d'une association juive sioniste, Habonim Dror, et après avoir eu l'équivalent britannique du baccalauréat, il a passé un an dans un kibboutz (ferme collective) israélien. Depuis, il revient souvent en Israël, il parle couramment hébreu et a une connaissance parfaite de la culture du pays.

Il mange également casher et respecte le shabbat, journée de repos hebdomadaire. Sa fiancée, l'actrice australienne Isla Fisher, s'est convertie au judaïsme.

Sacha Baron Cohen ne s'exprime que très peu sous sa véritable identité dans la presse. Lors de l'un de ces rares entretiens, accordé au magazine "Rolling Stone", il a expliqué qu'il utilisait le personnage de Borat pour démasquer les clichés ancrés en chacun, car "face à ce personnage antisémite, les gens baissent leur garde et dévoilent leurs préjugés".

8 mai 2011 09:16

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AnonymeAnnemarie
bravo! beau coup de projecteur!

à dinde dinde et demie cqfd
8 mai 2011 09:48
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J’ai envoyé ces réactions israéliennes au film sans avoir lu ton commentaire et ce n'est pas une réponse. J'ai cherché, et toujours pas de réponse à pourquoi le Kazakhstan. Et non un pays imaginaire.

La situation que tu décris (le four) mérite qu'on y réfléchisse. Il y a quand même une instrumentalisation par certaines personnes des communautés ayant subi une répression. Deux choses différentes : une paranoïa conséquence d'un traumatisme réel. Et une manipulation. Dieudonné a dénoncé ceci mais avec justement de l’ambiguïté.
J'ai souvent été taxé de raciste par des magrébins, des noirs etc. qui utilisent ces arguments à l'inverse, on a souvent vécu ça avec toute la mauvaise foi (que je trouve insupportable, là se trouvent mes limites), mais surtout cette assignation au fait que je serais un blanc un chrétien un maître un colonisateur etc. Faut pas déconner !! Je l’ai vécu au moment de la guerre du golfe en particulier où étrangement mes collègues de travail d’origine maghrébine, se sont repliés sur une identité « arabe » quand la coalition occidentale s’est opposée à l’invasion du Koweit par Sadam Hussein. C’était étrange.

Dans le cas du « four » ma réaction c'est : à la fois écouter et ne pas s'y laisser prendre : ce n'est pas notre traumatisme, du moins de la façon où il est intériorisé, car après tout ce même événement peut nous avoir traumatisé à notre façon. Le pen leur a peut-être volé le signifiant four, il s’agit de le récupérer et de lui rendre son innocence. Que je sache ils ne l’ont pas rayé du vocabulaire. Je me demande si le malaise n’est aps venu de la conscience que tu aurais dit un mot de trop ? Et de la perception de leur part de ton malaise. La culpabilité et l’angoisse ont ce pouvoir de franchir les frontières entre soi et l’autre.
Je trouve que le phénomène dit de "double bind" (ordre contradictoire) pourrait peut-être nous aider à sortir de ces pièges. (Le fait de faire rentrer l'autre dans sa propre blessure, et ainsi lui en faire porter la responsabilité quelque part (ça c’est de l’ambiguïté !). Dans cette situation nous savons que la solution idéale c'est d'en parler, de rentrer dans une interlocution. D'aller la chercher même quand c'est difficile, voire l'imposer dans le refus qu’on y oppose en face. (Cette imposition étant de sommer l'autre à discuter alors qu'il s'esquive. On a ainsi deux cas, deux lignes de fuite : celle de ceux qui se sentent « victimes », et celles des provocateurs. C'est difficile : on ne se met pas à poil comme ça : la réaction au signifiant « four » montre des défenses qui se montent. On peut respecter la blessure mais pas les défenses, dés lors que celles-ci nous impliquent dans un mécanisme et une logique qui n'est pas la notre. Sauf à perdre sa liberté, ce qui est le cas dans l'exemple que tu donnes.
Le sujet est lié à de l’énonciation mais aussi à une logique. Cette logique sous-tend une position. Il s ‘agit de savoir si cette logique est à sa place où si elle englobe aussi la place de l’autre.




8 commentaires:

Anonyme a dit…

Il semble que dans le film, le rire se cale sur la farce et se coince sur la violence des comportements, on ne rit pas par exemple quand il est manifeste que la famille wasp ne saurait tolérer à sa table une prostituée afro-américaine, ni dans la caravane du camping , ni lors de la scène du début –le lâcher de Juifs--……….
Si la provocation est dans la mise en cause ou le détournement par l’énonciation d’un énoncé (considéré comme faux, caricatural, absurde, malveillant, choquant ou simplement conformiste) la caractéristique de cet énoncé est-elle claire et équivalente pour tout le monde ?
Quand quelqu’un demande aujourd’hui 7 mai en pleine commémoration de l’esclavage s’il y a des esclaves au marché de la petite Hollande comment faut-il l’entendre ?

Alain a dit…

Bien vu je trouve la différence entre la farce et la violence des comportements.

Si la provocation ne donne pas dans l'attendu elle prend à revers le consensus du code social déjà existant. Il y un langage commun pour qu'elle soit possible. La provocation déplace le code(dans ce qu'il a de convenu, le stéréotype, le consensus) le fait ripper. Il y a deux faces il me semble dans le code social. Une face utile et une face noire opaque qui justement peut laisser la place a de l’ambiguïté. Une face où la pseudo naturalité" normalité n'est pas interrogée en tant que telle par commodité, ou bien lâcheté. On se réfugie on efface nos aspérités derrière ces convenances.

Pour le marché de la petite Hollande et ses esclaves je ne connais pas le contexte. J'entends ceci dans mon ignorance : que c'est bien beau les commémorations, mais que pendant qu'on se donne bonne conscience il y a encore de l'exploitation, de la domination, des rapports de classes, même si les classes sont plus difficiles à circonscrire qu'avant. Que les noirs ou même les arabes d'hier sont les rom, les sans papiers d'aujourd'hui.
Si cela veut dire que les maghrébins français sont dans une situation inégalitaires, l'énoncé pour moi ne porterait pas parce que ce n'est pas de l'esclavage. Il doit y avoir forcément quelque chose dans la provocation, une vérité qui en ressort au bon endroit, sur le bon plan. C'est ça la précision de l'énonciation.
L'intérêt que je lui accorde : celle de me déstabiliser dans mes habitudes et non pas de me manipuler au nom de valeurs elles-mêmes convenues par ailleurs.
Quand Jean-Marie Le Pen fait ses provocations on voit comme on disait avant d'où il parle c'est d'avance convenu. Alors qu'un bon provocateur frappe un minimum dans l'inattendu.

annemarie a dit…

Si l’énoncé est tabou et que en tant que tel il suscite séduction / répulsion, l’énonciation aura pour but le dévoilement, la provocation sera d’autant plus efficace qu’elle sera effectivement inattendue, saugrenue, la séduction est là aussi, dans le talent du provocateur qui va rencontrer le goût des interlocuteurs… pour les mots d’esprit ou les images choc …etc…
A qui s’adresse le provocateur ?
Un certain nombre de provocateurs semblent prendre les gens pour des crétins sous prétexte qu’ils n’auraient pas de distance par rapport à leur H/histoire, leur identité, leurs infirmités et maux divers. Il fait rire ceux qui se prennent pour les plus malins et gare à toi si tu ne ris pas !!
La frontière, la crête est difficile à percevoir, une anecdote : je passai Pessah la Pâque juive dans une famille amie, de bonnes choses cuisaient je dis à P. « ne t’approche pas du four » ou quelque chose comme çà… silence glacial…évidemment j’ai repensé à Le Pen et son dura four crématoire. Quel rapport avec Borat ? le commentaire d’Alain sur la partie plus documentaire du film où le personnage se trouve dans la/sa famille…pouce on ne joue plus.

La Sagesse de l'image a dit…

Je suis tombé sur ceci sur http://bistrophilo.aceboard.fr/98101-2283-7308-0-Borat-film-provocateur.htmqui donne quelques précisions :


Les Israéliens rient de bon coeur à "Borat" Par Aron Heller


JERUSALEM (AP) - Comme des millions de spectateurs dans le monde, les Israéliens se sont pressés dans les salles obscures pour voir "Borat". La comédie satirique du Britannique Sacha Baron Cohen amuse d'autant plus le public israélien que seules les personnes parlant hébreu peuvent comprendre totalement ce que raconte le héros, un faux journaliste kazakh, misogyne et antisémite.

Car peu de spectateurs ont saisi que le personnage principal, Borat Sagdiyev, ne parle ni kazakh ni une sorte de charabia incompréhensible, mais bien hébreu, le langage biblique du peuple juif. Les Israéliens, ou les personnes connaissant l'hébreu, sont donc les seuls à pouvoir saisir toute l'ironie des répliques faussement antisémites et les références culturelles qui jalonnent le film.

"C'est extrêmement drôle et plutôt sympa de se rendre compte que vous comprenez quelque chose que personne d'autre ne comprend", explique Gaby Goldman, 33 ans, de Tel-Aviv. "Ce n'est pas juste le fait qu'il s'exprime en hébreu, mais également la manière dont il parle. On dirait presque un Israélien, il parle comme nous".

De fait, les Israéliens rient dès la scène d'ouverture du film, lorsque Borat quitte sa ville du Kazakhstan pour les "U.S. et A.", expliquant, en faux kazakh, à un homme à qui il manque un bras: "ne t'inquiète pas, je te ramènerai une nouvelle main d'Amérique".

Les sous-titres donnent la traduction directe, mais ils ne sont pas nécessaires en Israël. Ils répètent simplement ce que Borat vient juste de dire dans un hébreu impeccable.

Le film est truffé d'expressions courantes en hébreu et de clins d'oeil à la culture israélienne, que seuls les habitants de l'Etat hébreu peuvent comprendre. Par exemple, dans une scène, Borat chante les paroles d'une chanson populaire hébraïque célèbre, "Koom Bachur Atzel", qui signifie "lève-toi fainéant".

Uri Klein, critique cinéma pour le quotidien israélien "Haaretz", observe que les dialogues en hébreu créent logiquement une proximité avec les spectateurs israéliens. "Nous sommes les seuls à savoir de quoi il parle", résume-t-il.

Toutes ces références s'expliquent par les liens entre Sacha Baron Cohen et Israël. L'acteur britannique, âgé de 35 ans, est juif pratiquant, sa mère est née en Israël et sa grand-mère vit toujours à Haïfa, dans le nord du pays.

Au lycée, il faisait partie d'une association juive sioniste, Habonim Dror, et après avoir eu l'équivalent britannique du baccalauréat, il a passé un an dans un kibboutz (ferme collective) israélien. Depuis, il revient souvent en Israël, il parle couramment hébreu et a une connaissance parfaite de la culture du pays.

Il mange également casher et respecte le shabbat, journée de repos hebdomadaire. Sa fiancée, l'actrice australienne Isla Fisher, s'est convertie au judaïsme.

Sacha Baron Cohen ne s'exprime que très peu sous sa véritable identité dans la presse. Lors de l'un de ces rares entretiens, accordé au magazine "Rolling Stone", il a expliqué qu'il utilisait le personnage de Borat pour démasquer les clichés ancrés en chacun, car "face à ce personnage antisémite, les gens baissent leur garde et dévoilent leurs préjugés".

http://cf.news.yahoo.com/s/capress/061219/...el_cinema_borat

annemarie a dit…

bravo! beau coup de projecteur!

à dinde dinde et demie cqfd

La Sagesse de l'image a dit…

J’ai envoyé ces réactions israéliennes au film sans avoir lu ton commentaire et ce n'est pas une réponse. J'ai cherché, et toujours pas de réponse à pourquoi le Kazakhstan. Et non un pays imaginaire.

La situation que tu décris (le four) mérite qu'on y réfléchisse. Il y a quand même une instrumentalisation par certaines personnes des communautés ayant subi une répression. Deux choses différentes : une paranoïa conséquence d'un traumatisme réel. Et une manipulation. Dieudonné a dénoncé ceci mais avec justement de l’ambiguïté.
J'ai souvent été taxé de raciste par des magrébins, des noirs etc. qui utilisent ces arguments à l'inverse, on a souvent vécu ça avec toute la mauvaise foi (que je trouve insupportable, là se trouvent mes limites), mais surtout cette assignation au fait que je serais un blanc un chrétien un maître un colonisateur etc. Faut pas déconner !! Je l’ai vécu au moment de la guerre du golfe en particulier où étrangement mes collègues de travail d’origine maghrébine, se sont repliés sur une identité « arabe » quand la coalition occidentale s’est opposée à l’invasion du Koweit par Sadam Hussein. C’était étrange.

Dans le cas du « four » ma réaction c'est : à la fois écouter et ne pas s'y laisser prendre : ce n'est pas notre traumatisme, du moins de la façon où il est intériorisé, car après tout ce même événement peut nous avoir traumatisé à notre façon. Le pen leur a peut-être volé le signifiant four, il s’agit de le récupérer et de lui rendre son innocence. Que je sache ils ne l’ont pas rayé du vocabulaire. Je me demande si le malaise n’est aps venu de la conscience que tu aurais dit un mot de trop ? Et de la perception de leur part de ton malaise. La culpabilité et l’angoisse ont ce pouvoir de franchir les frontières entre soi et l’autre.
Je trouve que le phénomène dit de "double bind" (ordre contradictoire) pourrait peut-être nous aider à sortir de ces pièges. (Le fait de faire rentrer l'autre dans sa propre blessure, et ainsi lui en faire porter la responsabilité quelque part (ça c’est de l’ambiguïté !). Dans cette situation nous savons que la solution idéale c'est d'en parler, de rentrer dans une interlocution. D'aller la chercher même quand c'est difficile, voire l'imposer dans le refus qu’on y oppose en face. (Cette imposition étant de sommer l'autre à discuter alors qu'il s'esquive. On a ainsi deux cas, deux lignes de fuite : celle de ceux qui se sentent « victimes », et celles des provocateurs. C'est difficile : on ne se met pas à poil comme ça : la réaction au signifiant « four » montre des défenses qui se montent. On peut respecter la blessure mais pas les défenses, dés lors que celles-ci nous impliquent dans un mécanisme et une logique qui n'est pas la notre. Sauf à perdre sa liberté, ce qui est le cas dans l'exemple que tu donnes.
Le sujet est lié à de l’énonciation mais aussi à une logique. Cette logique sous-tend une position. Il s ‘agit de savoir si cette logique est à sa place où si elle englobe aussi la place de l’autre.

annemarie a dit…

Juste pour info et rapidement : j’ai cru comprendre qu’au plan international le Kazakhstan et l’Erythrée ont été à un moment, les deux seuls pays à refuser le MDA Maguen David Adom ,structure israélienne comparable à la Croix rouge et du Croissant rouge.

Anonyme a dit…

la presse israélienne est éclairante et tout le monde a ri mais de quoi ? et de qui?
merci Amos Gitai