ven 29 janv 13h 30 Mean Street


Réalisé par Martin Scorsese
Avec Robert De Niro, Harvey Keitel

Drame américain. 1973
Durée : 1h50 min



Un premier commentaire après la séance (Claudine )

Des vies tribales aux règles imposées, dans lesquelles chacun revendique son individualité.Voilà tout ce que l'on doit tuer pour exister.Charlie tente d'abolir les règles mortifères, jusqu'à frôler sa propre mort. Je fais un rapport entre ce moment où, en évanouissement, en ivresse, tout vacille en couleurs de soleil couchant; qu'à son réveil il redresse son noeud de cravate, qu'un jour nouveau illumine sa raison d'être, le détermine, et le moment final, là où la mort s'imposerait, elle lui offre la possibilité d'une renaissance.......

Un autre commentaire (Alain)

Elisabeth a bien fait de nous traduire en entrée de séance le titre Mean Street : la rue basse. A la fois sale et triviale.

On ne met rien de côté des contradictions de cette bande de mecs. Contradictions et chamailleries à tous les étages. Contradiction du couple phare des deux boys : Charley et Johnny.

Contradiction de Charley lui-même divisé. Tandis que Johnny est entier. C’est un enfant John-Johnny. Charley se plait à lui rappeler son irresponsabilité. Sans doute aussi son innocence. Et c’est toute la tendresse qu'il sans doute pour lui. Mais aussi surtout l’envie de ce qu’il n’est pas de ce qu’il n’a pas. Lui l’homme des compromis. Charley entre l'adulte et l'enfant. Entre deux de toute façon. Etrange trio qu'ils forment avec la cousine de Johnny, sa compagne sans l'être.

Résumé du film : En 1973, à New York, dans la petite Italie, Johnny Boy et Charlie, des malfrats à l'affût de combines louches, côtoient les mafiosi qu'ils envient. Pour accéder au haut du pavé, une règle impérative : respecter la loi d'honneur du milieu. Charlie, lui, a ses chances, car il a un oncle mafieux. Mais le problème se pose pour Johnny, un bagarreur inconscient, criblé de dettes. Lorsque celui-ci se procure une arme à feu et commence à faire le malin, ça dérape.


Débat : Après Michel Poicard (Belmondo Dans A bout de souffle, et le Guevara de Walter Salles dans Carnets de voyage, on s’interrogera avec Mean Street sur la pulsion de mort masculine, , les rapports du jeu et de la mort. Et comment la question du risque est indispensable à l’existence.

Analyse

Quand on ne croit plus .... à la rédemption
Harvey Keitel me semble souvent dans ses personnages dans ce rôle. Jusqu’à la tentation du christ du même Scorcese. Qui tant fait scandale. Il porte le clivage. Dans Bad lieutenant, c’est l’apothéose de la sanctification du flic ripou dans une lente descente dans la déchéance, Comme Abel Ferrara sait si bien le mettre en scène. Le roi du clivage. Scorcese lui aussi joue la corde de la rédemption, c’était son projet :dans Mean Street au départ : « Ma voix est utilisée en alternance avec celle d'Harvey Keitel pendant tout le film. C'était un moyen pour moi de trouver une paix intérieure. Il est très facile de se discipliner pour aller à la messe tous les dimanches. Ca ne prouve rien. Pour moi, la rédemption ne peut venir que de la façon dont on vit et dont on se comporte avec les autres." Ne pas oublier que Scorcese avant de devenir cinéaste voulait devenir prêtre. S’est-il racheté par le cinéma ?


Il is thy end, my only friend, the end. La fin du film est étonnante. En dehors de la convention. Sans morale ? Pas sûr. Ce que l’on voit c’est la réalité de trois paumés de l’existence, à cru, physiquement, moralement. Aucune échappatoire. A l’image de la signification de Mean street. De leur décor, de la micro société de little Italy le quartier de New-York dans lequel ils vivent.


Déjantés ou félés ? Le clivage de Charley c’est aussi la façon dont continuellement il vient réassurer son image dans les miroirs pour tenter d’y coller, en vain. De façon quasi pathologique. Le film est plein de miroirs tout comme A bout de souffle. Le miroir a plusieurs fonctions : celle de créer une perspective, une ligne de fuite dans l’image, celle de réfléchir la réalité; celle surtout de la mettre en abîme de la creuser d’une incertitude. Celle de renvoyer le personnage à la projection du spectateur sur lui, et de faire vaciller cette projection ou son identification. Il y a de la schize. D'où l'inconfort que nous éprouvons ? Le jeu de miroir est à l’image de l’inversion généralisée des codes. Tout comme des registres avec la musique constamment en contre-point : dynamique quand c’est calme, joyeuse quand c’est terrible, légère quand c'est lourd et inversement etc.. De ce fait le spectateur est pris dans l’étau d’un ordre contradictoire (d’un double bind). Que la légèreté et la drôlerie voire le burlesque des situations, viennent alléger. Nous sommes dedans et dehors. Tour à tour.


Après la nouvelle vague française, le film noir comme référence.
Cet ordre contradiction c’est aussi celui du film noir des années 50. Auquel Mean street reprend au moins un des procédés : celui de la voix off, celle de Charley. Dans les films noirs le personnage va de charybde en scylla de pire en pire pris dans un enchaînement qui lui est aussi fatal que la femme que généralement il rencontre. Certains on appelé ce genre : le mélodrame masculin. Et c’est un peu il me semble ce à quoi on assiste de façon simultanément flamboyante et lamentable. Pour l’ensemble des personnages masculins. Pas un qui ne soit pas un clown pitoyable ou comique. Dans sa fierté ou son orgueil indécrottable : typiquement latin, élevé au niveau d'un code : celui de l'honneur. Par moment on voit une mama italienne, qui vient ramasser les morceaux. Mais on se dit que ces petits monstres sortent de là, de ces familles.

Autour de "Mean Streets " et de son tournage !

Robert De Niro et la mafia
Interprète d'Al Capone dans Les Incorruptibles, Robert De Niro poursuit son chemin au coeur du syndicat du crime. Il a ainsi incarné l'apprenti mafieux "Johnny Boy" Civello dans Mean streets (1973), le Parrain Vito Corleone dans sa jeunesse dans Le Parrain, 2e partie (1974), le gangster juif "Noodles" Aaronson dans Il etait une fois en Amerique (1984), l'inoubliable Jimmy Conway des Affranchis (1990), sans oublier le mafieux-rigolo et déprimé Paul Vitti, dans Mafia blues (1999) et Mafia blues 2 - la rechute (2002).











Pistes de casting
Deux grands acteurs américains ont été contactés pour jouer dans Mean Streets. Martin Scorsese a envoyé le script à Al Pacino. Celui n'a jamais répondu. Les producteurs du film de leur côté ont demandé à Jon Voight d'incarner Charlie à l'écran mais il refusa leur offre.




Los Angeles
Bien que l'histoire de Mean Streets se déroule à New York, seuls quelques extérieurs ont effectivment été tournés sur place. La grande majorité du travail s'est fait à Los Angeles pour des raisons économiques. C'est notamment le cas de tous les intérieurs et de quelques extérieurs comme la scène finale en voiture.




New York
Pour tourner Mean Streets, Martin Scorsese a cherché à engager des acteurs originaires de New York. Robert De Niro a grandi dans le même quartier que le cinéaste. Si les deux hommes ne se fréquentaient pas, ils se connaissaient de vue bien avant de faire du cinéma. Harvey Keitel est originaire du Bronx. David Proval, Richard Romanus et une grande partie du reste du casting sont également New Yorkais.











Improvisations
Les comédiens ont d'abord pu improviser de nombreuses scènes pendant les dix jours de répétitions. Ce processus créatif s'est poursuivi dans une moindre mesure par la suite. Les scènes où Harvey Keitel et Robert De Niro se battent avec des poubelles ou discutent à l'arrière du bar ont été totalement improvisées par les acteurs pendant les 27 jours de tournage.


Direction d'acteur
Martin Scorsese décida de tourner la scène où Robert De Niro sort un pistolet à Richard Romanus à la fin du tournage. Les deux acteurs ne s'entendaient pas du tout et le réalisateur essaya de jouer sur cette animosité. Il multiplie le nombre de prises afin d'accroître la nervosité des deux interprètes pendant la scène.


Effets immédiats
La sortie de Mean Streets eut deux effets immédiats. Après avoir vu le film, Francis Ford Coppola décida d'engager Robert De Niro pour tourner Le Parrain, 2ème partie. Ellen Burstyn et ses producteurs contactèrent Martin Scorsese pour mettre en scène Alice n'habite plus ici.




Le rêve américain
Martin Scorsese évoque un des thèmes de Mean Streets, la corruption du rêve américain : "Mean streets parle du rêve américain selon lequel tout le monde peut croire qu'il va devenir riche un jour. Si on ne peut y arriver par des moyens légaux, on trouvera d'autres moyens. Ce problème concernant les valeurs mêmes de notre société est toujours présent aujourd'hui. C'est un des thèmes que j'ai encore envie de traiter à l'avenir." Martin Scorsese aborde le même sujet en 1990 avec Les Affranchis.


Musique
La musique tient une très grande place dans Mean Streets de l'avis même de Martin Scorsese : "J'ai utilisé la musique avec laquelle j'avais grandi. Elle faisait naître toutes ces images. Il fallait gérer le problème des droits. Certains artistes se sont manifestés des années plus tard et Warner Bros a dû les payer. Nous essayions au maximum de les contacter en amont du projet mais pas toujours avec succès. Pour moi, Mean Streets a la meilleur bande son possible parce que ce sont tous des morceaux que j'ai aimé et qui représentait notre manière de vivre. Nous n'héstions pas à garder les morceaux sur plusieurs minutes dans le film. Pour moi, Mean Streets, c'est "Jumping Jack Flash" et Be my baby"."


Un film autobiographique
Martin Scorsese décrit Mean Streets comme un film autobiographique : "C'était une tentative de faire un film sur la manière dont moi et mes amis vivions à Little Italy. Il y a une dimension anthropologique ou sociologique au coeur même du projet. Charlie se sert des autres en pensant les aider. En croyant cela, il ruine tous ses efforts aussi bien envers les autres que lui-même. Quand il se bat avec Johnny dans la rue, il essaie de donner l'impression qu'il le fait pour les autres mais ce n'est qu'une question d'orgueil, le premier peché dans la bible. Ma voix est utilisée en alternance avec celle d'Harvey Keitel pendant tout le film. C'était un moyen pour moi de trouver une paix intérieur. Il est très facile de se discipliner pour aller à la messe tous les dimanches. Ca ne prouve rien. Pour moi, la rédemption ne peut venir que de la façon dont on vit et dont on se comporte avec les autres."


Gangsters
Grand amateur de films de gangsters, Martin Scorsese a pensé Mean Streets comme un hommage aux films de la Warner Brothers des années trente. Le cinéaste reviendra au genre plusieurs fois par la suite avec Les Affranchis et Casino. A la différence de ses tentatives suivantes où les personnages principaux sont de vrais mafieux, Mean Streets comme, son premier long métrage Who's that knocking at my door ?, se concentre plutôt sur de jeunes délinquants de Little Italy.


Robert de Niro
Robert De Niro a été présenté à Martin Scorsese par l'intermédiaire de Brian De Palma avec qui il avait tourné The Wedding Party, Greetings et Hi, Mom!. L'acteur était déjà un admirateur du premier long métrage du cinéaste, Who's that knocking at my door ?. Les deux hommes se sont très bien entendus tout de suite et ont collaboré par la suite à de très nombreux projets parmi lesquels Taxi Driver, New York, New York, La Valse des pantins ou Les Nerfs à vif.


Apparitions
Martin Scorsese fait une courte apparition dans Mean Streets. C'est lui qui tire sur la voiture où se trouve les personnages principaux sur le Brooklyn bridge. On retrouve également dans le film la mère du cinéaste, Catherine Scorsese, ainsi que David Carradine qui joue ici un alcoolique qui s'attire des problèmes dans un bar. Ce dernier était l'interprète principal de Bertha Boxcar, le film précédent de Martin Scorsese.


Le style Scorsese
On retrouve dans Mean Streets les premiers mouvements de caméras élaborés de Martin Scorsese et un style nerveux que l'on retrouvera dans ses films suivant notamment Taxi Driver. La grande majorité des scènes était storyboardée en avance. Le cinéaste voulait imprimer son énergie sur le film ena accord avec la musique et le style de vie de ses personnages. Une partie de ses choix de mise en scène est également venue de contraintes économiques. Pour tourner le plus vite possible, Martin Scorsese a choisi de tourner caméra à l'épaule. Le cinéaste n'avait pas non plus les moyens de faire des plans généraux établissant la situation géographique des personnages. Si ces derniers se déplacent, on les suit le plus souvent d'un intérieur à un autre.


Un projet difficile à monter
Martin Scorsese a écrit la première version de Mean Streets en 1966 avec Mardik Martin avec qui il était à l'Université de New York. Les deux hommes ne trouvent alors personne pour financer le film. Cette première version du scénario tournait autour du conflit religieux. Martin Scorsese voulait "prendre pour personnage principal un saint qui vivrait dans un monde de gangsters." Le cinéaste ajoute : "il est intéressant de voir comment cet homme peut faire une bonne action dans un tel monde. Si quelqu'un te parle de travers, tu dois le tuer ou lui écraser le crâne. Les règles de ce monde sont aussi simples que ça. Le personnage nie cette réalité et fait la pire chose qu'il peut faire. Il essaie d'éviter toute confrontation, dispute ou le moindre problème jusqu'à ce que la situation explose."Après avoir fini le tournage de son premier film, Who's that knocking at my door ? avec Harvey Keitel, les deux hommes écrivent une deuxième version en essayant de corriger les erreurs de ce premier essai. Toujours personne ne veut financer le projet. Après le tournage de Bertha Boxcar produit par Roger Corman, John Cassavetes conseille à Martin Scorsese de revenir à un film plus personnel. Il reprend le scénario de Mean Streets et sur les conseils de Sandra Weintraub Roland accorde une plus grande importance au style de vie de ses personnages de Little Italy et intègre de nombreuses anecdotes inspirées de sa vie et de celle de ses amis.Content de Bertha Boxcar, Roger Corman propose à Martin Scorsese de produire le film. Seule condition, le cinéaste doit changer ses personnages d'origine italienne pour des afro-américains pour en faire un film de Blaxplotation, genre qui connaît quelques succès importants à l'époque. Soucieux de ne pas compromettre son projet, Martin Scorsese refuse l'offre. Roger Corman lui prêtera néanmoins l'équipe technique non-syndiquée avec qui il avait tourné Bertha Boxcar. Jonathan T. Taplin se montre alors intéréssé. Il produit le film mais avec un budget très limité. Mean Streets se révelera un important succès qui lance la carrière de Martin Scorsese d'un point de vue commercial et critique.




Relation père/fils.
Durant sa jeunesse, le frère de Martin Scorsese était une personne turbulente et son père tentait de le ramener dans le droit chemin. Scorsese s'est inspiré de cette relation difficile pour créer le personnage de Charlie Cappa (Harvey Keitel) qui tente de contenir le comportement fougueux de Johnny Boy (Robert DeNiro) .



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2 commentaires:

Unknown a dit…

Des vies tribales aux règles imposées, dans lesquelles chacun revendique son individualité.
Voilà tout ce que l'on doit tuer pour exister.
Charlie tente d'abolir les règles mortifères, jusqu'à frôler sa propre mort.
Je fais un rapport entre ce moment où, en évanouissement, en ivresse, tout vacille en couleurs de soleil couchant; qu'à son réveil il redresse son noeud de cravate, qu'un jour nouveau illumine sa raison d'être, le détermine, et le moment final, là où la mort s'imposerait, elle lui offre la possibilité d'une renaissance.......

La Sagesse de l'image a dit…

Elisabeth a bien de nous traduire en entrée de séance le titre Mean Street : la rue basse. A la fois sale et triviale.

Contradictions
On ne met rien de côté des contradictions de cette bande de mecs. Contradictions et chamaillerie à tous les étages. Contradiction du couple phare des deux boys : Charley et Johnny.

Contradiction de Charley lui-même divisé. Tandis que Johnny est entier. C’est un enfant John-Johnny. Charley se plait à lui rappeler son irresponsabilité. Sans doute aussi son innocence. Et c’est toute la tendresse qu'il sans doute pour lui - mais surtout l’envie de ce qu’il n’est pas de ce qu’il n’a pas. Lui l’homme des compromis.