vendredi 8 octobre-Fahrenheit-451

Dans le cadre de Passage(s) de Livre à Nantes

Fahrenheit451
Réalisé par François Truffaut
Avec Julie Christie,
1966 science fiction
Durée : 01h52


Résumé :
Dans un Etat totalitaire d’un futur indéterminé, les livres, considérés comme un fléau pour l’humanité, sont interdits et brûlés. Ce sont les pompiers qui se chargent de cette besogne, qu’ils accomplissent avec beaucoup de dévotion. Montag est l’un des pompiers les plus chevronnés de son escouade. Un soir, en rentrant chez lui, il est abordé par une jolie voisine, Clarisse, qui lui pose des questions existentielles.

Le livre de Ray Bradbury a été adapté au cinéma par François Truffaut
Si le film de ne restitue pas la richesse de la langue bradburienne, il propose une adaptation saisissante du roman. Un film déroutant dans lequel le cinéaste passe, avec une suprême habileté, du registre de l'étude de mœurs à celui du drame. Une mise en scène d'une exceptionnelle virtuosité, des acteurs dignes de ce nom, une photographie particulièrement soignée dont Nicolas Roeg est le maître d'œuvre et une musique signée Bernard Hermann, donnent à ce film fort, âpre et trouble un maximum d'intensité. Dire que Fahrenheit 451 a gardé toute sa splendeur est plus qu'une évidence.

La louange d'une spectatrice :
Truffaut, l'homme-film, nous livre ce que le commun des mortels appelle un chef d'oeuvre. Truffaut rend un hommage explicite à la littérature, mais le plus bel hommage qu'il peut lui rendre est bien celui de l'adapter à merveille. Dans un monde où les mots sont criminels, Truffaut prend le parti pris de nous enivrer d'images.../... Le film n'a pas vieilli ; néanmoins, le monde, oui, et la société dans laquelle nous vivons n'est peut-être pas si éloignée de celle décrite... La vision d'un hymne à la résistance intellectuelle puissant.


Extrait du livre :
Une demi-heure plus tard, transi, alors qu'il suivait prudemment les rails, pleinement conscient de la totalité de son corps, le visage, la bouche, les yeux saturés d'obscurité, les oreilles de sons, les jambes irritées par la bardane et les chardons, il aperçut un feu droit devant lui.
Le feu disparut, puis redevint visible, à la façon d'un clin d'œil. Il s'arrêta, craignant de l'éteindre par son seul souffle. Mais il était bien là et il s'en approcha précautionneusement, d'aussi loin qu'il le voyait. Il lui fallut un bon quart d'heure pour se retrouver vraiment à proximité des flammes, et il resta là à les observer depuis le couvert. Ce frémissement, la conjugaison du blanc et du rouge... c'était un feu étrange parce qu'il prenait pour lui une signification différente.
Il ne brûlait pas ; il réchauffait 1
Il vit des mains tendues vers sa chaleur, des mains sans bras, cachés qu'ils étaient dans l'obscurité. Au-dessus des mains, des visages immobiles qu'animait seulement la lueur dansante des flammes. Il ignorait que le feu pouvait présenter cet aspect. Il n'avait jamais songé qu'il pouvait tout aussi bien donner que prendre. Même son odeur était différente.
Combien de temps resta-t-il ainsi, mystère, mais il y avait quelque chose d'à la fois absurde et délicieux dans l'impression d'être un animal surgi de la forêt, attiré par le feu. Il était une créature des taillis, faite d'yeux liquides, de pelage, d'un museau et de sabots, une créature toute de corne et de sang qui sentirait l'automne si on en arrosait le sol. Il resta longtemps sans bouger, à écouter le chaud pétillement du feu.
Un grand silence se pressait autour de ce feu, un silence qui se lisait sur le visage des hommes, et avec lui le temps, le temps de s'asseoir près de ces rails rouillés sous les arbres, de contempler le monde, de le tourner et de le retourner du regard, comme s'il était tout entier contenu dans le feu, telle une pièce d'acier que ces hommes se seraient tous employés à façonner. Ce n'était pas seulement le feu qui était différent C'était le silence Montag s'avança vers ce silence particulier qui s'intéressait à la totalité du monde.
Alors les voix devinrent perceptibles. Il ne saisissait rien de ce qu'elles disaient, mais leurs inflexions étaient douces tandis qu'elles tournaient et retournaient le monde pour l'examiner ; ces voix connaissaient la terre, les arbres et la ville qui s'étendait au bout des rails en bordure du fleuve. Elles parlaient de tout, rien ne leur était étranger ; il le savait à leur intonation, leur cadence, à la curiosité et l'émerveillement dont elles vibraient continuellement.
Un des hommes leva les yeux, le vit pour la première ou peut-être la septième fois, et une voix lui lança : « Allez, vous pouvez vous montrer maintenant ! » Montag réintégra les ombres.
« Tout va bien, reprit la voix. Vous êtes le bienvenu. »
Montag s'approcha lentement du feu et des cinq hommes âgés assis là, vêtus de pantalons et de blousons de toile bleu foncé ou de complets dans le même ton. Il ne savait pas quoi leur dire
« Asseyez-vous, dit l'homme qui semblait être le chef du petit groupe. Un peu de café ? »
Il regarda le liquide noir et fumant couler dans une tasse en fer-blanc rétractable qui lui fut immédiatement tendue. Il se mit à boire à petites gorgées prudentes et sentit qu'on le regardait avec curiosité. Il se brûlait les lèvres, mais c'était un délice. Les visages qui l'entouraient étaient barbus, mais ces barbes étaient propres, bien taillées, et les mains impeccables. Ils s'étaient levés comme pour accueillir un hôte, et voilà qu'ils se rasseyaient. Montag sirota son café. « Merci, dit-il. Merci beaucoup.
- Vous êtes le bienvenu, Montag. Je m'appelle Granger. » Il lui tendit une petite bouteille de liquide incolore. « Buvez ça aussi. Ça va changer l'indice chimique de votre transpiration. Dans une demi-heure, vous aurez l'odeur de deux autres personnes. Avec le Limier à vos trousses, le mieux est de faire cul sec. »
Montag absorba le liquide amer.
« Vous allez puer comme un lynx, mais c'est très bien ainsi, poursuivit Granger.
- Vous connaissez mon nom », observa Montag.
Granger désigna de la tête un poste de télé à piles posé près du feu.
« On a assisté à la chasse. On pensait que vous finiriez par suivre le fleuve côté sud. Quand on vous a entendu vous enfoncer dans la forêt comme un élan qui aurait trop bu, on ne s'est pas cachés comme on le fait d'habitude. On a pensé que vous étiez dans le fleuve, quand les hélicoptères-caméras ont obliqué vers la ville. Il y a là quelque chose de bizarre. La chasse continue. Mais du côté opposé.
- Du côté opposé ?
- Jetons un coup d'oeil. »
Granger mit l'appareil en marche. L'image était un cauchemar en miniature qui passa de main en main au milieu de la forêt, un vrombissement de couleurs et de mouvements. Une voix cria : « La chasse continue au nord de la ville ! Les hélicoptères de la police convergent sur l'avenue 87 et Elm Grove Park ! »
Granger hocha la tête. « C'est de la poudre aux yeux. Vous les avez semés au bord du fleuve. Ils n'arrivent pas à l'admettre. Ils savent qu'ils ne peuvent pas tenir le public en haleine plus longtemps. Le spectacle doit courir vers sa conclusion ! S'ils se mettaient à passer ce maudit fleuve au peigne fin, ça risquerait de prendre toute la nuit. Alors ils essaient de dénicher un bouc émissaire pour finir en beauté. Regardez. Ils vont attraper Montag dans cinq minutes !
- Mais comment...
- Regardez. »
La caméra à l'affût dans le ventre d'un hélicoptère plongeait maintenant sur une rue déserte.
« Vous voyez ? murmura Granger. Ce sera vous ; juste au bout de cette rue se trouve notre victime. Vous voyez comment la caméra procède ? Elle plante le décor. Suspense. Plan d'ensemble. En ce moment, un pauvre diable est en train de faire un petit tour à pied. Une rareté. Un original. N'allez pas croire que la police n'est pas au courant des habitudes de ces drôles d'oiseaux, ces types qui se promènent le matin, comme ça, pour rien, ou parce qu'ils souffrent d'insomnie. En tout cas, il figure dans les fichiers de la police depuis des mois, des années. On ne sait jamais quand ce genre d'information peut se révéler utile. Et aujourd'hui, c'est le cas, elle tombe à pic. Ça permet de sauver la face. Oh, mon Dieu, regardez ! »
Les hommes assis auprès du feu se penchèrent en avant.
Sur l'écran, un homme apparut au coin d'une rue. Le Limier robot s'élança dans le viseur. Les projecteurs de l'hélicoptère crachèrent une douzaine de colonnes lumineuses qui formèrent une cage tout autour de l'homme. Une voix cria : « Voilà Montag ! Les recherches sont terminées ! »
L'innocent s'immobilisa, ahuri, une cigarette allumée à la main. Il fixa de grands yeux sur le Limier, sans savoir ce que c'était. Il ne le sut vraisemblablement à aucun moment. Il leva les yeux vers le ciel et le hurlement des sirènes. Les caméras piquèrent. Le Limier bondit avec une synchronisation et un sens du tempo d'une incroyable beauté. Son aiguillon jaillit. Il resta un instant suspendu dans le vide, comme pour permettre à la foule des téléspectateurs d'apprécier le moindre détail, le regard éperdu de la victime, la rue vide, l'animal d'acier pareil à une balle flairant sa cible.
« Pas un geste, Montag ! » lança une voix venue du ciel.
La caméra s'abattit sur la victime en même temps que le Limier. Tous deux l'atteignirent simultanément. La victime fut saisie par le Limier et la caméra dans un énorme étau de pattes grêles. Et l'homme de hurler. Et de hurler. Et de hurler !
Fondu au noir.
Silence.
Ténèbres.
Montag laissa échapper un cri et se détourna.
Silence.
Puis, alors que les hommes, le visage dépourvu d'expression, demeuraient assis autour du feu, un présentateur annonça sur l'écran noir : « Les recherches sont terminées, Montag est mort ; un crime contre la société vient d'être vengé. »
Nuit noire.
« Nous allons maintenant vous emmener sous la coupole de l'Hôtel Lux pour une demi-heure de Juste avant l'aube, une émission de... »
Granger éteignit l'appareil.
« Ils n'ont pas montré nettement son visage. Vous avez remarqué ? Même vos meilleurs amis ne pourraient affirmer que c'était vous. Ils ont brouillé l'image juste ce qu'il faut pour laisser l'imagination prendre le relais. Nom de Dieu, dit-il tout bas. Nom de Dieu. »
Sans rien dire, Montag se retourna et s'assit, les yeux fixés sur l'écran vide, tremblant de tous ses membres.
Granger lui posa une main sur le bras. « Bienvenue à l'homme revenu d'entre les morts. » Montag hocha la tête. Granger poursuivit : « Autant faire connaissance à présent. Voici Fred Clement, ancien titulaire de la chaire Thomas Hardy à Cambridge avant que cette université ne devienne une école d'ingénieurs atomistes. Là, vous avez le docteur Simmons, de l'U.C.L.A., spécialiste d'Ortega y Gasset ; là, le professeur West, à qui l'on doit des travaux non négligeables dans le domaine de la morale, une discipline devenue bien archaïque, pour le compte de l'université de Columbia ; là, le révérend Padover, qui a donné quelques conférences il y a une trentaine d'années et a perdu ses ouailles de dimanche en dimanche en raison de ses opinions. Ça fait maintenant un certain temps qu'il traîne avec nous. Moi-même enfin . j'ai écrit un livre intitulé Les Doigts dans le gant, du bon rapport entre l'individu et la société, et voilà où j'en suis ! Bienvenue, Montag !
- Je ne suis pas de votre monde, finit par dire lentement Montag. Je n'ai jamais été qu'un imbécile.
- Nous avons l'habitude. Nous avons tous commis le genre d'erreur qui ne pardonne pas, sinon nous ne serions pas là. Quand nous étions isolés, nous n'avions que la colère. J'ai frappé un pompier venu brûler ma bibliothèque il y a des années. Depuis, je suis en cavale. Vous voulez vous joindre à nous, Montag ?
- Oui.
- Qu'avez-vous à offrir ?
- Rien. Je pensais avoir une partie du livre de l'Ecclésiaste et peut-être un peu de l'Apocalypse, mais j'ai tout perdu.
- Le livre de l'Ecclésiaste serait parfait. Où était-il
- Ici, fit Montag en se touchant le front.
- Ah. » Granger sourit et hocha la tête.
« Qu'est-ce qui ne va pas ? Ce n'est pas bien ? s'inquiéta Montag.
- Au contraire ; tout va pour le mieux ! » Granger se tourna vers le révérend. « Avons-nous un livre de l'Ecclésiaste ?
- Un seul. Un dénommé Harris, de Youngstown.
- Montag. » La main de Granger se referma sur son épaule. « Faites attention où vous marchez. Veillez à votre santé. S'il devait arriver quoi que ce soit à Harris, vous êtes le livre de l'Ecclésiaste. Voyez quelle importance vous venez de prendre en un instant !
- Mais j'ai tout oublié !
- Non, rien n'est perdu à jamais. Nous avons les moyens de vous dégripper.
- Mais j'ai essayé de me souvenir !
- N'essayez pas. Ça vous reviendra quand le besoin s'en fera sentir. On a tous une mémoire visuelle, mais on passe sa vie à apprendre à refouler ce qui s'y trouve. Simmons, ici présent, a travaillé vingt ans sur la question, et nous possédons à présent la méthode pour nous souvenir de tout ce qui a été lu une seule fois. Aimeriez-vous lire un jour La République de Platon, Montag ?
- Bien sûr !
- Je suis La République de Platon. Ça vous plairait de lire Marc Aurèle ? M. Simmons est Marc Aurèle. - Enchanté, dit M. Simmons.
- Salut, répondit Montag.
- Je tiens à vous présenter Jonathan Swift, l'auteur de cet ouvrage politique si néfaste, Les Voyages de Gulliver ! Et cet autre est Charles Darwin, et celui-ci Schopenhauer, et celui-ci Einstein, et celui-ci, juste à côté de moi, est Albert Schweitzer, un fort aimable philosophe, ma foi. Nous sommes tous là, Montag. Aristophane, le mahatma Gandhi, Gautama Bouddha, Confucius, Thomas Love Peacock, Thomas Jefferson et M. Lincoln, s'il vous plaît. Nous sommes aussi Matthieu, Marc, Lue et Jean. »
Et tout le monde de rire en sourdine. « Ça ne se peut pas, dit Montag.
- Mais si, répliqua Granger en souriant. Nous aussi, nous sommes des brûleurs de livres. Nous lisons les livres et les brûlons, de peur qu'on les découvre. Les micro films n'étaient pas rentables ; nous n'arrêtions pas de nous déplacer, pas question d'enterrer les films pour revenir les chercher plus tard. Toujours le risque qu'on ne tombe dessus. Le mieux est de tout garder dans nos petites têtes, où personne ne peut voir ni soupçonner ce qui s'y trouve. Nous sommes tous des morceaux d'histoire, de littérature et de droit international ; Byron, Tom Paine, Machiavel ou le Christ, tout est là. Et il se fait tard. Et la guerre a commencé. Et nous sommes ici, et la cité là-bas, emmitouflée dans son manteau d'un millier de couleurs. Qu'en pensez-vous, Montag ?
- Je pense que j'étais aveugle d'essayer d'agir à mon idée, de cacher des livres chez les pompiers et de donner l'alarme.
- Vous avez fait ce que vous estimiez devoir faire. À l'échelle nationale, ça aurait pu marcher magnifiquement. Mais notre méthode est plus simple et, à notre avis, plus efficace. Notre seul désir est de préserver le savoir dont, selon nous, nous aurons besoin. Pour l'instant, nous ne cherchons pas à exhorter ni à provoquer la colère. Car si nous sommes éliminés, c'est la mort du savoir, peut-être à jamais. Nous sommes des citoyens modèles, à notre façon ; nous suivons les anciens rails, nous passons la nuit dans les collines, et les gens de la ville nous laissent en paix. Il nous arrive d'être arrêtés et fouillés, mais nous n'avons rien sur nous qui puisse nous incriminer. Notre organisation est souple, très vague, et fragmentaire Certains d'entre nous ont eu recours à la chirurgie esthétique pour se faire modifier le visage et les empreintes digitales. Pour le moment, nous avons du sale boulot sur les bras ; nous attendons que la guerre éclate, et qu'elle finisse tout aussi vite. Ça n'a rien d'agréable mais nous ne sommes pas aux commandes, nous constituons la petite minorité qui crie dans le désert. Quand la guerre sera finie, peut-être serons-nous de quelque utilité en ce monde.
- Vous croyez vraiment qu'on vous écoutera ?
- Dans le cas contraire, il ne nous restera plus qu'à attendre. Nous transmettrons les livres à nos enfants, oralement, et les laisserons rendre à leur tour ce service aux autres. Beaucoup de choses seront perdues, naturellement. Mais on ne peut pas forcer les gens à écouter. Il faut qu'ils changent d'avis à leur heure, quand ils se demanderont ce qui s'est passé et pourquoi le monde a explosé sous leurs pieds. Ça ne peut pas durer éternellement.
- Combien êtes-vous en tout ?
- Des milliers sur les routes, les voies ferrées désaffectées, à l'heure où je vous parle, clochards au-dehors, bibliothèques au-dedans. Rien n'a été prémédité. Chacun avait un livre dont il voulait se souvenir, et y a réussi Puis, durant une période d'une vingtaine d'années, nous nous sommes rencontrés au cours de nos pérégrinations, nous avons constitué notre vague réseau et élaboré un plan. La seule chose vraiment importante qu'il nous a fallu nous enfoncer dans le crâne, c'est que nous n'avions aucune importance, que nous ne devions pas être pédants ; pas question de se croire supérieur à qui que ce soit. Nous ne sommes que des couvre-livres, rien d'autre Certains d'entre nous habitent des petites villes. Le chapitre I du Walden de Thoreau vit à Green River, le chapitre II à Willow Farm, dans le Maine. Tenez, il y a un patelin dans le Maryland, seulement vingt-sept habitants, aucune bombe n'y tombera jamais, qui constituent les essais complets d'un certain Bertrand Russell. Prenez cette bourgade, à peu de chose près, et tournez les pages, tant de pages par habitant. Et quand la guerre sera finie, un jour, une année viendra où l'on pourra récrire les livres ; les gens seront convoqués, un par un, pour réciter ce qu'ils savent, et on composera tout ça pour le faire imprimer, jusqu'à ce que survienne un nouvel âge des ténèbres qui nous obligera peut-être à tout reprendre à zéro. Mais c'est ce que l'homme a de merveilleux ; il ne se laisse jamais gagner par le découragement ou le dégoût au point de renoncer à se remettre au travail, car il sait très bien que c'est important et que ça en vaut vraiment la peine.


Les internautes en parlent :
Commentaire de : valentin de majipoor de Strasbourg -
Dans une société où l'autodafé des livres est érigé en dogme - 451 °F (233 °C) étant la température de combustion du papier -, où l'asocialité se mesure à l'aune de l'intelligence et de la culture, quelques individus se transforment en mémoire universelle. Un beau thème pour une œuvre comparable à 1984.Un livre, à mon avis, très supérieur aux « Chroniques martiennes ».Un chef d'oeuvre de la littérature, tous styles confondus8 janvier 2003
FAHREINHEIT est un film visuel ; tout est dit en silence, nos yeux s'habituent à lire les plans savamment élaborés, à trembler à chaque rouge allitération. Le film est tout sauf austère, bien qu'il expose un monde qui le soit : ses couleurs ROUGE!), et un humour noir omniprésent (il suffit de considérer les livres en train de se consumer..., portés par un montage type nouvelle-vague tiennent en haleine le spectateur.
Il y a d'ailleurs quelque chose de très hitchockien dans le seul film anglais de Truffaut, et cela ne tient pas l'emploi de cette langue qui ne lui était pas familière, mais plutôt de l'évolution de chaque personnage, de la présence du double, et de cette tension latente dans "le meilleur des mondes". L'excellente prestation des acteurs, une retenue profonde d'Oskar Werner et Julie Christie, s'intensifie avec les crescendo de Bernard Hermann. Truffaut maîtrise parfaitement le genre "film d'anticipation", on retrouve tout ce qui fait la force des bouquins du genre (1984 avec le téléscreen...), mais la touche personnelle de son auteur subsiste pour en faire quelque chose d'absolument novateur, et de terriblement intemporel.

Commentaire de : Lise -
Dans une société futuriste, les pompiers ont pour rôle de brûler les livres jugés subversifs, les gens se côtoient sans se connaître, regardant la "famille" sur les 4 murs du salon...Ray Bradbury nous lance ici, dans le portrait d'une civilisation en décadence, un avertissement puissant. En effet, au contraire de nombreux romans d'anticipation, ici, c'est la société qui refuse de lire, de s'informer, de réfléchir, d'observer et de s'interesser au monde,... bref qui s'opprime elle-même. Cette société pourrait être la notre, et c'est aussi pourquoi ce roman nous touche autant, que l'on soit amateur de SF ou non.

Commentaire de wagoo :
La magie de découvrir - Il n'y a que très peu de livres au XXe siècle qui font, avec une grande intelligence, une projection sur un futur possible : 1984 (George Orwell), Le meilleur des mondes (Aldous Huxley) et Fahrenheit 451. On peut éventuellement y ajouter La guerre éternelle (Joe Haldeman) mais, déjà, on perd ce qui fait des trois premiers des livres inoubliables. La noirceur pour le premier, l'humour pour le second et la poésie pour le dernier. La guerre éternelle est politique et réaliste, en plus d'être bien écrit (contrairement aux insupportables Chants de la terre lointaine, d'Arthur C. Clarke). Il lui manque cependant le supplément d'âme des autres.
Fahrenheit 451, c'est l'histoire d'un réveil après un très long sommeil. On ne saura pas quand il a commencé. En effet, tout est vu à travers le regard de Guy Montag, celui qui sort de sa léthargie culturelle, ce qui réduit la description du monde où il vit à ce qu'il en sait ou en apprend. Pour ce faire, Ray Bradbury a choisi une narration linéaire, depuis le déclic produit par la courte apparition du merveilleux personnage de Clarisse, " 17 ans ", " folle " et surtout faussement ingénue, jusqu'à la fuite, en direct, de la ville monstrueuse. Et on en apprend bien assez sur la décadence molle qui a saisi cette partie de la planète.
Montag est pompier : il brûle les livres. Il le fait parce que c'est bon pour la société. Tout le monde, jusqu'à son chef, le lui répète. Mais Montag ne peut pas s'en empêcher : il emporte des livres. Peut-être même ira-t-il jusqu'à les lire ? Il deviendrait alors un individu, un paria. Un homme seul contre tous. Vraiment contre tous.
Au fil des pages, on voit se dessiner ce qu'est en train de devenir le monde, pour peu qu'on ait un regard un tantinet pessimiste : l'illusion a tout envahi, l'information a été totalement remplacée par le divertissement. On ne sait même pas de quelle nature est le régime politique. C'est, en tout cas, une dictature de la masse, dont le seul ordre est d'être laissée en paix, à l'écart des turpitudes de la vie et de la politique.
Certaines des vues de Bradbury ont trouvé leur application aujourd'hui : il imaginait des panneaux publicitaires d'une longueur démesurée, à cause de la vitesse des véhicules. Jetez un œil dans le métro : les panneaux publicitaires ne sont pas plus longs mais multipliés par trois ou quatre, de façon à pouvoir être lus sans que le passant s'arrête. La télévision envahit les murs jusqu'à posséder une pièce entière. On y arrive, en ce moment. La famille disparaît et on connaît mieux les amours des personnages de téléfilms que le prénom de ses petits-enfants…
A tout cela, Montag veut échapper. On le suit dans ses doutes, dans ses maladresses, dans son humanité. Il va découvrir, comme il le pressentait, qu'il est important, au sens humaniste du terme. L'une des excellentes trouvailles de Fahrenheit 451, c'est le limier-robot, une sorte de compromis électronique entre le chien et l'araignée. C'est la matérialisation de la terreur qui comprime les esprits de la ville sans nom, où tout le monde ignore tout le monde, de crainte d'être pris en flagrant délit d'intelligence.
Ce livre très agréablement écrit peut se relire à n'importe quel moment de la vie : sa beauté formelle (et la simplicité qui va avec) reste époustouflante et sa clairvoyance fera toujours peur. Il peut nous aider à nous réveiller à tout âge. C'est ce qui en fait une œuvre qu'il ne faudra jamais brûler dans nos esprits.

Petite remarque perso :

Ce livre a sa place dans toutes les bibliothèques, au-delà des genres et du temps. Un incontournable quand on aime les livres et la lecture. Et en cadeau, un vrai bonheur de lire ces pages.

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