Voici le message que je reçois d'Elisabeth
.../... alimentée par les images du film et apaisée par la sagesse qui s'en dégage et perdure en mon esprit deux jours après.../... J'aimerais beaucoup reparler de ce film et notamment d'un certain aspect : quand Nansal retrouve "Tatoué" dans l'enclos après qu'il se soit perdu dans la montagne, le spectateur croit qu'il est mort ; tout à la fin, on le croit abandonné ou refusant de suivre le père à cheval qui ramène son petit, et non il est avec Nansal dans les dernières images ; mais il est vrai qu'au début il est dit "les êtres décèdent mais ils ne meurent pas", n'y a-t'il donc pas tout au long du "Chien Jaune de Mongolie" un jeu sur Mort/vivant - Caché/apparent ; d'ailleurs quand la petite fille trouve le chien, il est dans une grotte et nous sommes longtemps avant de le voir apparaître...
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3 commentaires:
La réponse d'Alain
En réponse provisoire car il est tard :
Le chien est dans un entre-deux. La face visible de l'invible. Le côté domestique de ce qui est dangereux et qui trouble. Il sauve le gamin, mais le gamin est perdu, il me semble, du fait de sa présence puisque Nansal pense à lui plutôt qu'à son petit frère à la fin.
Le chien est ce qui permet à Nansal de s'affirmer. De plusieurs façons. Il est le désir de Nansal. Et son affection sa tendresse. Il représente une extériorité, un "autre" à la rencontre duquel on va. Mais c'est aussi la transgression de la loi du père, sans laquelle ce désir ne peut exister. Et à l'inverse ce désir et la personne de Nansal dont il est le coeur, l'enseignement du père ne peut contraindre. CQFD dans le film.
Le film fait allusion à la réincarnation. Au début, je ne sais pas si tu as vu (car les conditions de projection ne permettaient peut-être pas), c'est un chien qu'on enterre que Tatoué va remplacer. Mais il ne le remplace pas à l'identique puisque chaque forme de vie a son autonomie, son unicité. Et que chaque forme apporte une singularité, une ouverture du cycle. Certes il y a cycle mais en même temps il est un niveau où la vie n'est plus cyclique et où chaque forme et chaque vie valent pour elle-même. C'est possible d'atteindre à la singularité à condition que le cycle soit reconnu et possible. Ce qui au bout du compte arrive dans le film. Où à la fin tout se met à coexister. Par exemple : Tatoué part avec eux tous mais il n'empêche que Nansal ne pourra toujours pas mordre la paume de sa main retournée. Tout se met à coexister y compris l'époque moderne au travers du mini bus qui annonce les élections.
J'aime beaucoup ce que tu dis de la disparition de Tatoué. Le fait qu'il disparaisse. Qui reste énigmatique. Et qui montre une fois de plus que nous avons tous notre manière de rentrer dans le film.
Tu attires mon attention sur ce fait. Et on peut l'appréhender de deux façons : Soit en chercher la signification construite par le film et lui donner un sens. Ou bien rester dans l'énigme qu'il nous adresse.
1- la métaphore :
La signification d'un passage de quelconque film je l'ai appellé métaphore. Plus le film est fort plus la métaphore est ouverte, c'est à dire plus elle se prête à notre interprétation, à ce que chacun puisse l'investir d'un sens qui résonne avec notre sensibilité et ce que nous sommes.
Alors faisons de beaux rêves de nos nuages et de nos girafes à nous.
2- "Le signifiant"
Mais le film nous offre aussi quelque chose qui lui est propre et que nous ne pourrons jamais réduire, une énigme absolue qui ne nous appartient pas mais qui pourtant nous interloque. c'est à dire qu'à la fois elle nous est communiquée mais qu'à la fois elle nous laisse sans parole. Et bien cela cette communication sans parole et sans sens je l'apelle le signifiant du film. C'est à dire sa plus haute poèsie.
Cela je ne l'ai pas découvert avec le film. Mais au contraire avec une oeuvre littéraire et cela tombe bien puisque tu l'as évoquée. Il s'agit d'India song dont tu as chanté le chant de la mendiante. En travaillant sur une étude que j'ai publié sur ce film, j'ai lu aussi le texte que Marguerite Duras a écrit par la suite à partir de son scénario, parce qu'elle voulait après son film en faire une émission de radio. J'avais vu et revu le film plusieurs fois. Puis j'ai donc lu ce texte qu'elle a publié issu de l'émission de radio. Et bien je suis resté sans voix. La puissance poétique du texte a été plus forte que mon amour du film dont paradxalement il est tiré. L'image produite en moi par le texte écrit est inscrite dans le ciel de toute éternité. C'est ça la force du "poème" de la dimension poètique de tout texte ou de tout film que nous restions coï devant, définitivement démuni à lui porter un sens et pourtant devant l'évidence je dirai de sa beauté, en tout cas de sa force.
conclusion
Ainsi nous sommes parfaitement en droit de chercher quelles significations le film construit, docn de l'analyser. En droit de lui donner du sens, donc de l'interpreter. Mais en même temps nous devons l'accueillir en pleine poire, sans ciller, dans l'inexplicable qu'il peut nous adresser - quand il le fait, car ce n'est pas donné à coup sûr.
Une nouvelle remarque d'Elisabeth :("Oui, j'avais à peu près compris que c'était un chien que l'on enterrait au début, mais je considère que beaucoup m'a échappé car il fallait à ce moment que je m'adapte aux mauvaises conditions techniques de la projection").
j'en profite pour revenir sur ta remarque précédente. Elle était très juste aussi d'une façon que je n'avais pas captée : c'est la vieille dame des steppes qui raconte l'histoire du chien jaune. Or le film de byamabasuren Daava s'intitule : "The cave of the yellow dog". C'est aussi le titre du conte de la grand-mère des steppes.
Dans ce conte le chien se retire dans une cave. Si bien que lorsque Tatoué se retire lui-aussi dans ces cabanes de bois il se met en position d'accomplir le conte.
D'autre part c'est bien son absence qui précipite l'égarement de Nansal, dont elle a besoin comme dans tout conte initiaitique pour passer à l'affirmation de son désir et passer de l'enfant à la femme. Quand on regarde attentivement comment est filmé le rêve qu'elle fait de la grand-mère une fois chez elle après cette fugue, on la voix avec des atours de femme, collier et bracelet. Qu'elle n'a pas le reste du temps. Cette profondeur de la cave du chien renvoie à celle par où lui vient l'affirmation de sa personnalité, ici dans le film la gravité qui lui fait aussi comprendre que sa vie est limité et qu'elle passera, mais qu'elle est ce qu'elle, ouverte sur les autres formes de vie dans l'infini cycle de la vie : (les grains de riz qui ne peuvent se planter sur l'aiguille dans la leçon "d'impermanence" que la grand-mère lui transmet).
J'aime beaucoup comment La réalisatrice à mise en scène capté une gravité qui vient sur le visage de Nansal à ce moment là.
Si tu veux en savoir plus sur Le chien jaune; tu peux aussi lire dans le blog en dessous de "Notre analyse" les infos concernant le film, et en particulier les paroles de la réalisatrice.
Elisabeth qui est une spécialiste des langues nous apporte la précision suivante :
"" Attention ! Cave, en anglais, cela veut dire "grotte", en anglais, mais je vérifie.
- Dans mon "Harraps Shorter" : Caverne, antre, souterrain, grotte.""
"" Mais étrangement ton interprétation fait sens et correspond à des éléments que j'ai également repéré dans le film. Décidément, nos échanges après la projection de vendredi me font apprécier à chaque fois cette oeuvre un peu plus. Cela devient même comme une petite musique persistante, alors qu'il s'agit d'images, n'est-ce pas ?""
MA REPONSE :
Intéressant cette grotte. Elle fait délirer nos interprétations, les images s'enchaînent. On peut même sortir du film. Je retiens au moins ceci, que l'extériorité qui ouvre cette commnauté de berger mongol, provient de cette grotte. Nous pouvons dans le film la mettre en rapport avec la yourte de la grand-mère. Une yourte de récits, de contes, tout à la fois de méditations et de prière. Comme si le nouveau s'abouchait à l'ancien.
Le nouveau c'est ce qui arrive par Tatouté, puisque c'est la rasion de l'égarement productif de Nansal). Et Tatoué vient se supperposé au chien jaune du conte de la vielle dame.
De la même façon nous pouvons dire que cette grotte est à la fois personnelle puisqu'il s'agit de l'aventure de Nansal et des risques qu'elle prend; mais aussi qu’elle est communautaire de deux façons : une façon actuelle car le risque de Nansal devient celui de sa famille (son égarement, les bêtises des petits abandonnés dans la yourte familiale pendant que la mère est à sa recherche, la perte à la fin du petit frère en danger avec les vautours). Une façon inactuelle car à l'extrémité de son aventure elle rencontre le savoir des anciens que la vieille dame lui transmet. Ce savoir qu'elle intégre dans son rêve, au même titre que celui de sa mère au quotidien.
On peut remarquer que ce rêve de Nansal est sans doute une autre expression de la grotte.
Je ne sais pas si Byambasuren Daava a mis tout cela dans son film. Mais l'avantage de l'art c'est de nous mener loin, comme s'il était pour nous lui aussi une grotte.
Ce que tu nous dit : «Décidément, nos échanges après la projection de vendredi me font apprécier à chaque fois cette oeuvre un peu plus. Cela devient même comme une petite musique persistante, alors qu'il s'agit d'images, n'est-ce pas ».
La réalisatrice en donnant son film devient elle-même une conteuse, une grand-mère des steppes à sa manière.
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