Vendredi 5 juin : Paï

Cycle : masculin, féminin et communauté
(L'homme Qui rétrécit; Paï ; Le Gaucher ; Little big man).

Un film de Nouvelle Zélande
Niki Caro
Titre original Whale rider
(Chevaucheur de baleine)
Durée : 1h 41min.
Année : 2003
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Nous avons choisi ce film en raison du point de vue féministe de Niki Caro, la réalisatrice. Son premier film aussi bien que son dernier film de 2006, sont dans cette veine. « Paï », dont le personnage principal est féminin, se situe entre les deux films .

Notre cycle sur quelques films : masculin, féminin et communauté.
Pour faire un lien avec la masculinité remise en question dans L'homme qui rétrécit. Ici c'est la femme qui fait l'objet d'un déni. Et qui peine à exister dans la communauté.
Sur la même thématique nous passerons Le Gaucher de Arthur Penn. Qui campe un Billy the Kid avec quelques problèmes avec les hommes bien sûr. Mais aussi bien avec les femmes, dans l'incapacité de maîtriser sa pulsion de mort, et dans un rapport à l'autre, de contrôle (une définition du machisme). Dans tous ces films le rapport homme-femme a des conséquences sur la cohésion de la communauté autour du personnage principal. Intéressant !
Nous finirons ce cycle, par la projection de Little big man du même Arthur Penn. Où l'échange des genres (masculin et féminin, croise celui de l'identité communautaire (colons et indiens). Le héros étant un berdache (ethnologiquement avéré), c'est dire un transgenre. Un homme qui s'habille en femme et marche (physiquement) à reculons.
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Résumé de Paï
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Les habitants de ce village maori se réclament tous du même ancêtre : Paikea, le légendaire Whale Riderqui y débarqua mille ans plus tôt, juché sur le dos d'une baleine. A chaque nouvelle génération, un descendant mâle du chef reçoit ce titre qui fait de lui le leader et le gardien spirituel de sa petite communauté. A douze ans, Paï, petite-fille du chef Koro, est une adolescente douée, sensible et volontaire. Depuis la mort de son frère, elle est aussi la seule à pouvoir assurer le rôle "viril", si prestigieux. Mais Koro, gardien d'une tradition millénaire, refuse de voir en Paï son héritière : aucune fille n'a jamais été et ne sera jamais Whale Ride/...
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Le lien, la solidarité et sa métaphore
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Les rapports homme-femme dans Paï croisent une deuxième thématique : le lien qui fait défaut. C'est étrangement à partir de ce défaut, de ce lien qui manque, que se réunit la communauté. De nouveau intéressant !!! La métaphore, en jouant sur l'expression, est une grosse ficelle (Le lien manquant est pourtant là). Elle est appuyée dans le symbole alors qu'on n'aperçoit pas sa réfraction, son dédoublement dans le film. La corde du lancement du moteur du canot que le patriarche Maori, casse au moment où justement il veut enseigner Paï sur l'origine du peuple Maori. La petite Paï renoue la corde cassée en toute simplicité et fait partir le moteur, ce qui met en colère Koro, le grand-père dans la première partie du film.
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La métaphore est reprise à la fin du film. Toute la communauté maori s'est rassemblée sur la plage pour sauver les baleines échouées. (Le seul moment où il ne fait pas beau dans le film évidemment). Tout le monde tire sur la corde pour remettre à la mer une baleine qui semble être la chef du troupeau échoué. (si vous voyez ce que je veux dire : à l'image des humains de ce peuple échoué, qui face à la modernité ont perdu leur centre, leur culture et restent sans commandement). De nouveau la corde casse. Signe de l'échec du rassemblement de la communauté maori. Alors que Paï avec des caresses dans un touché sensible parvient dans une communication tendre, à chevaucher l'animal pour le ramener vers le grand large et la vie. Incarnant le mythe des origine de ce peuple, qui réellement affronta l'élément marin pour migrer il y a très longtemps de Hawai en nouvelle Zélande - en raison de conflits intercommunautaires (d'où leur cri et leur tirage de langue avant le combat : le Haka des "All black"). Hein c'est pas beau !




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Au passage nous avions déjà ce scénario dans Le voyage de Chihiro de Hayao Miyazaki. Que nous avions projeté en 2008. Grace à Chihiro, toute la communauté de l'établissement de bain, tire sur une corde. Et celle qui était exclue, la plus petite, la plus démunie, l'innocente, devient celle par qui la commnauté se rassemble. Ca ne vous rapelle rien cette histoire. Nous avons lu ou entendu ça quelque part.... le monde est petit...

Mélodrames
Nous passerons bientôt, sur la même thématique du lien brisé, "Tout sur ma mère" dans la même thématique. Et je vous le donne en mille. Et bien si si on a un schème pas très différent pour ce film où Pedro Almodovardéplace sa problématique du désir vers celle du lien brisé, ce qui sépare, et séparant réunit... Thème du mélodrame. Et justement Paï c'est "un peu trop" comme tout mélodrame (voir notre point de vue ci-dessous).
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Notre point de vue sur le film Paï
Un film un peu trop appuyé
Le film est trop écrit sans doute. Niki Caro, la réalisatrice en est aussi la scénariste.
Trop appuyé dans les rôles en complémentarité des personnages qui portent tous une charge symbolique forte.
Le grand-père le vieux phallus patriarcal avec le bâton de combat, le sceptre de l'autorité que les vagues de la plage emportent. La dent de la baleine perdue. Il se démultiplie à l'infini. A-t-elle aussi une dent, Niki, contre ça ? Les abus de la violence des mâles inscrite dans les valeurs traditionnelles. On l'aura compris et sur-compris. Du coup la réalisatrice est proche de son personnage principal. Elle en épouse le combat et presque l'identité (de petite fille opprimée). Sauf qu'elle n'appartient pas à la communauté Maori il me semble. Petit bémol à cette interprétation. Niki Caro n'est que la scénariste. Le film est tiré d'un roman dont l'auteur est maori d'origine. Et nous ne l'avons pas lu pour en marquer les différences entre le livre et son adaptation.
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Soin de la personne soin de la commnauté
Le côté new-âge est agaçant, uniquement parce qu'il est porté par la musique, véritable confiture émotionnelle. Donc là aussi trop appuyé dans le mélo, une faute de goût. Sans cette sauce, le new-âge mystico-ecolo parviendrait mieux à se placer dans son rôle d'allégorie. Le film de ce point de vue est intéressant parce qu'il oscille entre l'allégorie et la fiction.
Le côté chamanique est aussi intéressant : la maladie de la communauté, atteinte par la modernité dans le contact des valeurs de la culture maori avec la modernité du monde de la consommation. (Obésité, chômage, drogue, délinquance). Se déplace au final sur le personnage du grand-père qui pourtant est le plus intégriste, le plus proche du mode de vie traditionnel. Y compris dans ses valeurs qui nous semblent contestables - et le sont - : la séparation des hommes et des femmes, la relégation de celles-ci à l'arrière-plan du pouvoir communautaire.
Le chamanisme est la façon dont la guérison arrive, la révélation. L'acceptation profonde comme l'océan que le guide peut être une femme, et une enfant. Au moins pour la circonstance.
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Allégorie et poèsie de la réparation
Niki Caro affirme la valeur allégorique de cette histoire dans la très belle plongée de Pai dans les profondeur. Le passage à mon avis le plus poétique et le plus puissant du film. Au moment où Paï en voix off, tandis qu'on la voit descendre dans les profondeur en apnée, dit que ces profondeurs son grand-père ne cesse de les creuser - lui qui en jetant la dent totem (de la baleine) pensait qu'au moins un de ses jeunes élèves pourraient la ramener, le désignant comme chef. Elle dit que le silence des ces profondeurs est aussi le mutisme dans lequel son grand-père est rentré dans sa déception de ne trouver aucun mâle capable de diriger la communauté. Et simultanément sa plongée à elle en est la guérison. C'est là que réside le chamanisme. Guérison du grand-père, guérison de la communauté, par l'intégration de la femme. Intégration de la femme par sa révolte et son insistance à tenir sa place. Par l'acceptation que le phallus communautaire pour parler comme les psys, est aussi bien porter par la femme que par l'homme de part et d'autre du symbole.
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Respect de la nature
Dans cette thématique on ne peut pas manquer de voir que les cultures anciennes des peuples autochtones, ont un respect de leur environnement naturel, dès lors que celui-ci prend place dans le mythe originaire de la communauté. A cet égard et au vu de la catastrophe humaine, de l'extinction des espèces dont celle des baleines surchassées, il est difficile de ne pas voir dans le sauvetage des baleines échouées un signe pour nous. Celui de revenir à ce respect intrinsèque des minorités culturelles, opprimées par l'avidité européenne, : le ravage de la même "hubris". A défaut de reprendre leur valeur. Et même en les contestant comme le fait le film Paï. Le point de vue du film sur ce plan est équilibré, moins appuyé. Il n'y a pas d'accusation. On le voit aussi avec les conséquences de la modernité sur l'oncle de Paï et sa femme. Qui fait place d'ailleurs à ce moment à un regard amusé, et même burlesque, lorsque L'oncle devenu obèse reprend le combat et tire la langue. Rare séquence légère d'un film aux traits un peu épais mais pas manichéens. Un roman d'un auteur d'origine maori, et d'une scénariste blanche.
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Retour sur L'homme qui rétrécit en analyse (voir aussi le post ci-dessous)

Nous sommes revenu assez longuement en analyse filmique de plusieurs séquences sur le film que nous avions passé la semaine dernière : L'homme qui rétrécit de Jack Arnold.
Pour répondre aux deux questions que nous avions posées comme fil conducteur de notre lecture : la thématique du blanc dans le film. Mais aussi En quoi le personnage principal (l'homme qui rétrécit) se transforme t il ?
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Réponse : il est posé d'abord comme Adam, dans le couple originel qu'il forme avec sa femme au début du film, seul au monde au milieu d'un paradis, dont le nuage radioactif va l'en sortir.
Puis il se transforme en image glamour stéréotypée de l'américain moyen des année 50. Puis en enfant : ce que l'un de nos habitués perspicace a remarqué. Je ne suis pas revenu sur la séquence mais on voit Robert Scott Carey de la taille d'un enfant de 8 ans avec des chaussure tennis pendant dans le vide du fauteuil plus large que lui où il est assis.
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Il se transforme en poupée Barbie d'une maison de poupée. Puis en souris avec le chat qui le course, et avec le piège à souris dans la cave. Puis en homme préhistorique ou en chevalier pour une nouvelle quête pour assurer sa nouvelle existence microscopique. Il se transforme en insecte au contact de l'araignée. Enfin en atome à la fin du moins le présuppose-t-on puisqu'il ne reste de lui plus que sa voix, que l'on entendait depuis le départ du film en off à la façon des films noirs américains de cette époque.
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